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Je vais pour l’instant me borner à relever quelques contrastes entre elle et les autres méthodes.

Des quatre méthodes, elle est la seule qui fasse reconnaître quelque différence entre une bonne et une fausse voie. Si l’on adopte la méthode de ténacité et qu’on se cloître à l’abri de toute influence extérieure, tout ce qu’on croit nécessaire pour parvenir à ce but est nécessaire selon l’essence même de cette méthode.

Il en est de même avec la méthode d’autorité. L’État peut essayer d’écraser les hérésies par des moyens qui, au point de vue scientifique, semblent très-mal calculés pour atteindre ce but. Mais le seul critérium de cette méthode est ce que pense l’État, de sorte qu’il ne peut l’appliquer à faux.

Ainsi pour la méthode a priori. Son principe même consiste à penser comme on est enclin à le faire. Tous les métaphysiciens seront sûrs de faire cela, si enclins soient-ils à juger que leurs confrères se trompent abominablement. Le système d’Hegel admet que tout courant naturel d’idées est logique, bien qu’il soit certain qu’il sera annulé par les contre-courants. Hegel pense que ces courants se succèdent d’une façon régulière, de sorte que, après s’être longtemps égarée dans une voie et dans une autre, l’opinion finit par prendre la bonne direction. Il est en effet vrai que les métaphysiciens atteignent à la fin des idées justes. Le système hégélien de la nature reflète assez bien l’état de la science de son époque, et, l’on peut en être certain, tout ce que l’investigation scientifique aura mis hors de doute sera gratifié par les métaphysiciens d’une démonstration a priori.

Avec la méthode scientifique, les choses se passent autrement. Je puis partir des faits connus et observés pour aller à l’inconnu, sans que cependant les règles que je suivrai en agissant ainsi soient telles que les exige l’investigation. Mon critérium, pour savoir si je suis vraiment la méthode, n’est pas un appel direct à mes sentiments et à mes intentions, mais au contraire il implique en lui-même l’application de la méthode ; de là vient que le mauvais raisonnement est aussi bien possible que le bon. Ce fait est le fondement de la partie pratique de la logique.

Il ne faut pas supposer que les trois autres méthodes de fixer la croyance n’aient aucune espèce de supériorité sur la méthode scientifique. Au contraire, chacune offre des avantages qui lui sont propres. La méthode a priori se distingue par le caractère agréable de ses conclusions. L’essence de ce procédé est d’adopter toute croyance que nous avons de la propension à admettre. Il y a certaines choses flatteuses pour la vanité de l’homme et que tous nous