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penjon. — la métaphysique phénoméniste en angleterre

d’y découvrir, en même temps que les sensations et les pensées, les objets, d’une part, le moi, de l’autre. Si l’on considère la même question au point de vue de l’histoire individuelle, il est probable que les propres membres et le corps de celui qui perçoit lui fournissent un jour ou l’autre l’occasion de remarquer le double aspect des sensations et des pensées, des états de conscience, de réfléchir en un mot. Il vient un moment où il reconnaît que les sensations et les. pensées de la conscience primitive sont en effet des sensations et des pensées, mais des choses en même temps.

« La conscience primitive, dit M. Hodgson, suffit déjà pour séparer les uns des autres les groupes de percepts existant simplement comme états de conscience, et le corps de l’observateur est lui-même un de ces groupes. C’est autour de ce groupe que le reste paraît s’amasser ; c’est lui qui est toujours présent en même temps que les autres, qui est présent même lorsque l’on éprouve quelque sensation qui n’a hors du corps aucune existence visible ou tangible, ou lorsque l’on en imagine quelqu’une ; j’entends par là le chaud, le froid, les sensations internes, les appétits, les désirs et les émotions. La réflexion vient s’ajouter à cet état de perception, et c’est elle qui distingue dans les sensations et les pensées à la fois des sensations et des pensées et ce que nous appelons plus tard « des choses ». Il y a alors deux analyses à combiner, celle des différents groupes, faite par la conscience primitive, et celle des aspects inséparables de chaque groupe, faite par la réflexion. Il faut trouver quelque hypothèse pour rendre facile la conciliation de ces deux analyses. Cette hypothèse se produit fatalement, et elle se produit en conformité avec la loi de parcimonie, qui est la loi pratique suprême ou le motif de tout raisonnement, la tendance universelle à simplifier les faits différents, les théories différentes en les ramenant à un seul fait, à une théorie commune. L’hypothèse adoptée en vertu de cette loi est que toutes les sensations appartiennent au corps, et que cette « chose », qui est déjà séparée des autres « choses », diffère d’elles par le genre en tant qu’il est le principe et la source de toutes les sensations ; en d’autres termes, le corps devient une « personne ». L’aspect subjectif et l’aspect objectif sont ainsi séparés aussi bien que distingués, et cette solution est exprimée dès l’origine par le langage qui suit la réflexion. Cette séparation des aspects est complète, lorsque le c( moi » lui-même est analysé, lorsque le corps, qui en faisait d’abord partie, est relégué parmi les « choses », et lorsqu’on a imaginé une substance immatérielle, l’âme et l’esprit, pour en faire le sujet des sensations et la raison de leur union… »

Par cette séparation des deux aspects, réalisée dans l’opposition