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substance ou d’un substratum des attributs phénoménaux, qualités ou propriétés. Si la recherche a été dynamique, c’est-à-dire si elle a porté sur les causes, les conditions ou la genèse des phénomènes, le résidu apparaît alors sous la forme d’une cause première inconnaissable. Mais dans les deux cas ce résidu se rencontre en vertu de notre propre hypothèse ; nous l’avons mis dans les phénomènes, en adoptant la méthode directe. »

Les choses se passent de la même manière, s’il s’agit des phénomènes intérieurs, des états de conscience. Là aussi, nous croyons trouver au fond de nos recherches ou une substance, l’âme, l’esprit, ou un pouvoir, un agent, le moi. C’est encore un effet nécessaire de l’emploi de la méthode directe. De part et d’autre, le choix de cette méthode suppose l’hypothèse préalable d’existences séparées et indépendantes de la connaissance que nous en avons. Nous retrouvons simplement, à la fin de notre travail, ce que nous avons d’abord mis nous-mêmes.

Mais à la méthode directe, à l’exercice de la conscience directe, substituons la méthode réfléchie. Demandons-nous quel est le sens des termes par rapport à la conscience seule. Demandons-nous quel est principalement, à ce point de vue, le sens du mot existence. D’une manière générale, existence, comme nous l’avons vu, est synonyme de présence dans la conscience ; esse signifie percipi. Si tel est le sens du mot existence, il est clair, d’abord qu’il ne saurait y avoir d’existence inconnaissable, et ensuite que nous ne pouvons former la notion d’une semblable existence, parce que les deux termes qui la composent sont contradictoires. Cela est vrai tout aussi bien de l’existence subjective que de l’existence objective, de l’existence comme chose et de l’existence comme pensée : l’un des deux termes existence et inconnaissable est dépourvu de sens.

Il est vrai de dire cependant qu’il y a une existence inconnaissable, mais pour la science seulement, et l’on entend par là que les savants ne vont pas jusqu’au fond de l’analyse, où la philosophie seule peut atteindre. Pour la méthode de réflexion, existence et connaissance, aspect objectif et aspect subjectif, sont des termes adéquats ; elle franchit les limites de la science, elle va aussi loin que s’étend l’existence. En parlant d’une existence inconnaissable pour la science, nous limitons donc, nous restreignons le terme d’existence inconnaissable, et nous ne prétendons pas que cette existence soit strictement et absolument impossible à connaître, tandis qu’il n’y a plus rien en dehors de la perception réfléchie.

Si les savants ont ainsi, jusqu’à un certain point, le droit de songer à une chose en soi, de nourrir l’illusion qu’elle existe indépendam-