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analyses. — horwicz. — Psychologische Analysen

sonnement de M. Horwicz est en parfait accord avec les fondements de sa doctrine ; quant à ces fondements eux-mêmes, nous ne pouvons, sans sortir du cadre d’un simple compte rendu, en discuter ici la solidité. Remarquons seulement que, même dans l’opinion qui répudie la spécificité proprement dite des sentiments, la qualité conserve son importance à côté de l’intensité, puisqu’elle règle les limites entre lesquelles celle-ci produit le plaisir et la douleur : ainsi les sensations de son deviennent plus vite pénibles que celles de couleur.

La classification des sentiments qualitatifs ne présente pas un grand intérêt : c’est la division généralement adoptée par les auteurs, qui ne diffèrent entre eux que par des points secondaires. Nous retrouvons ici les sentiments sensoriels, esthétiques, intellectuels et moraux comme classes principales, subdivisées elles-mêmes en catégories inférieures. On a reproché à M. Horwicz, avant l’apparition de son grand ouvrage, de confondre « les sentiments avec des perceptions (odeurs, saveurs) et surtout avec des faits de passion, avec des instincts, des désirs (par exemple, l’amour, l’égoïsme, l’orgueil, la pitié, l’amitié, la haine, le mépris, le patriotisme, le respect filial, etc.)[1]. » La confusion est manifeste, mais elle est consciente et intentionnelle et se rattache aux vues générales de l’auteur sur la psychologie. Il faut ici distinguer deux choses : la « confusion » avec des faits de l’ordre intellectuel d’une part, et la « confusion » avec des faits de l’ordre sensible et volontaire de l’autre. Sur le premier point, nous avons déjà exprimé notre avis dans notre compte rendu de l’Analyse de la pensée ; nous ajouterons seulement ici que M. Horwicz a complété sa théorie de la perception sensible en cherchant à démontrer (p. 115 et suiv.) que les perceptions spéciales des différents sens sont le produit d’une lente et graduelle évolution au premier degré de laquelle n’existent que des sensations vagues communes à toutes les parties de l’organisme (cœnesthésies, Gemeingefühle). Un double travail de raffinement et de localisation a fini par approprier à chaque sens un organe particulier : l’oreille à l’ouïe, l’œil à la vue, la langue au goût, etc. Seules les sensations de température et de pression sont répandues sur le corps presque entier. Cette théorie, par le rôle important qu’elle accorde au temps, ce facteur indispensable de toute évolution, est d’un singulier secours pour M. Horwicz : en effet, s’il est fondé à soutenir que les « perceptions » des sens inférieurs ou chimiques (odorat, goût) sont à peu près exclusivement des faits de plaisir ou de peine, il n’en est plus de même de celles des sens supérieurs, qui semblent avant tout des représentations. Il est difficile d’imaginer une odeur ou une saveur qui ne soit ni bonne ni mauvaise ; au contraire, nous percevons bien des couleurs et des sons qui ne sont ni agréables ni désagréables. M. Horwicz croit échapper à la difficulté en considérant les perceptions auditives et visuelles comme une phase postérieure de l’évolution de la sensibilité, ce

  1. Léon Dumont, dans la Revue philosophique de décembre 1876.