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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/639

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analyses. — horwicz. — Psychologische Analysen

Nous avons vu que c’est la base sur laquelle M. Horwicz édifie sa théorie du plaisir et de la douleur. Les sentiments esthétiques occupent déjà un degré supérieur ; ils ont toujours pour cause dernière une excitation nerveuse, mais cette excitation s’étend sur un domaine plus vaste, et généralement tout sentiment esthétique peut se décomposer en un certain nombre de sentiments sensoriels. Prenons pour exemple le plaisir de l’harmonie. Un premier élément de ce plaisir est le contraste, car les accords harmonieux tranchent heureusement avec la masse de sons et de bruits discordants que nous entendons sans cesse autour de nous. Un second élément, c’est la multiplicité des cordes du limaçon et par suite des filets du nerf acoustique que met en mouvement un accord harmonieux : l’activité moléculaire est ici en rapport avec la puissance de fonctionnement du nerf. Au contraire, la « disharmonie » par les interférences qu’elle produit dans les ondes sonores provoque une activité ou trop faible, ou trop grande, c’est-à-dire pénible. Une certaine moyenne d’activité, la perception de l’un dans le multiple, constitue ici le fond de la sensation agréable. Il en va presque de même de l’harmonie des couleurs : les différences de vibrations des couleurs complémentaires sont représentées par des nombres moyens entre les différences trop grandes et trop petites (p. 135). L’auteur présente des théories analogues pour les sentiments du rhythme, de la symétrie, etc.

Conformément aux principes de son système, M. Horwicz ne cherche pas dans des faits intellectuels la clef des plaisirs esthétiques, mais procède plutôt en sens inverse. « Les rapports du rhythme, de la symétrie, etc., ne nous plaisent pas, comme le supposait Euler, parce qu’ils accroissent notre connaissance des choses : au contraire, ils nous les font connaître par le plaisir même qu’ils nous causent » (p. 182). À la racine des plaisirs intellectuels comme des sentiments esthétiques, on trouve une dépense moyenne d’activité sous la forme d’une perception une du multiple : la perception d’une multiplicité désordonnée ne peut être que confuse et agit douloureusement sur le système nerveux ; l’ordre et l’harmonie rétablissent l’équilibre et par suite le plaisir. C’est cette harmonie dans le contraste qui constitue, à des degrés différents, le « frappant », l’esprit, le comique et les sentiments formels qui leur correspondent, par opposition aux plaisirs matériels de l’effort de la pensée, de l’acquisition de la vérité, etc.

Après les plaisirs et les peines de l’intelligence, viennent ceux de la volonté ou sentiments moraux. M. Horwicz les divise en trois grandes classes : sentiments formels, sentiments matériels, sentiments de liaison (Verbandgefühle). Les premiers s’appliquent indifféremment à nos qualités ou à celles d’autrui (sentiment de la force, du courage, de la fidélité) ; les seconds prennent un caractère différent suivant qu’ils se rapportent à nous-mêmes (amour-propre, orgueil, pudeur) ou à nos semblables (sympathie, amour, amitié) ; les derniers enfin sont des sentiments individuels devenus habituels, ennoblis par le sentiment du devoir et couronnés par le sentiment religieux.