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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/649

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analyses. — kirchmann. — Katechismus der philosophie.

grande que le moi s’oublie. Kant veut qu’ils aient leur origine dans l’intelligence, c’est-à-dire dans la pensée.

Mais la morale, selon Kirchmann, n’a donc rien à faire avec l’intelligence ; elle résulte de l’autorité.

Elle part d’une force illimitée et ne reconnaît point de principe de fait pour son contenu. Je traduis quelques passages qui nous éclaireront sur la portée et les conséquences d’un tel principe : « Comme les autorités elles-mêmes sont des hommes ou bien Dieu qui ne peut être représenté que selon les notions et les sentiments humains, il s’ensuit que pour les autorités elles-mêmes, il n’y a pas de morale ; donc, ce n’est que leur bon plaisir qui est l’appui du contenu de leurs lois, qui deviennent ensuite le contenu de la morale pour les individus. Dès lors, il est clair que la politique des peuples, des princes, des pontifes, comme représentants de Dieu, n’a jamais été dictée par les règles de la morale et que toute histoire qui les mesure d’après cette base n’en fait qu’une appréciation mesquine. Par conséquent, ni la guerre, ni la révolution sont justes ou injustes, puisque cette notion n’existe pas pour l’autorité. Par conséquent, ni peuple, ni prince ne peuvent assumer de responsabilité : ils sont souverains et irresponsables. » (P. 165.)

C’est le matérialisme pur qui résulte d’une pareille doctrine et le triomphe de la force brutale devient la source de toute morale.

Une fois que l’homme est pénétré de l’autorité des sentiments moraux, il y obéit aveuglément. Kant appelle cet état autonomie de l’intelligence ; Hegel l’appelle identité de la volonté morale avec la volonté substantielle et universelle. Mais la conscience n’est qu’un autre mot pour désigner l’estime ; par conséquent, l’homme agira bien ou mal selon son éducation.

Les systèmes qui fondent la morale sur l’intelligence n’expliquent pas l’existence du mal, et la religion y est également embarrassée. D’après ce qui précède, il n’est pas étonnant que le réalisme s’en tienne au triomphe du sentiment le plus fort. D’autres philosophes ont soutenu la liberté de la volonté en morale ; d’autres encore veulent qu’elle agisse d’après certaines règles comme les phénomènes naturels ; le réalisme résout cette difficulté au moyen de la régularité des lois de la nature. Mais on a confondu la nécessité avec elle, et à tort, car la régularité laisse indépendants les sentiments qui sont les motifs d’action.

Avec les systèmes qui font remonter la morale à l’intelligence, nous arrivons à un rigorisme insupportable, dit Kirchmann. Les stoïciens ont établi l’identité du bonheur et de la morale. Kant a insisté sur l’existence d’un Dieu qui récompense dans une vie future. Mais la réalisme n’admet cette notion qu’à titre de croyance ; selon lui, l’homme moral ne saurait être le plus heureux, mais le plus patient dans les malheurs.

Avec le développement du monde, la morale et le droit se sont