commode que celui des figures géométriques, de grands progrès ont été successivement faits dans la voie de l’abstraction. Mais ce n’est que de nos jours que l’analyse des opérations dont il s’agit a été poussée assez loin pour qu’on puisse la considérer comme définitive, et elle a permis de constater qu’il y a réellement, dans la théorie telle qu’on la fait ordinairement, un élément emprunté à l’expérience[1].
C’est qu’en effet le concept d’une opération abstraite s’obtient par une généralisation opérée sur des concepts d’opérations concrètes. Ainsi le concept de l’addition algébrique est généralisé des additions concrètes d’individus, de longueurs, de surfaces, de volumes, d’angles, de poids, etc. Par quel moyen peut-on arriver à lui imprimer un caractère véritablement abstrait ? Ce ne sera nullement a priori, mais bien au contraire a posteriori, en observant les propriétés essentielles communes à l’ensemble des opérations concrètes et en les posant comme définition de l’opération abstraite. La théorie de celle-ci pourra dès lors se faire par une déduction purement logique ; mais, avant de passer à la moindre application, il restera à vérifier que les propriétés dont il s’agit ont lieu in concreto pour les objets sur lesquels on opère, et cette vérification, pour laquelle l’expérience est indispensable, ne fait plus partie du domaine de l’algèbre.
C’est dans ces conditions seulement que le mathématicien peut présenter ses conclusions comme n’empruntant rien à l’expérience, quelle que soit d’ailleurs l’origine effective des concepts sur lesquels il opère.
Il faut même remarquer que le concept d’égalité, nécessaire avant tout, ne dérive pas davantage en mathématiques d’un principe fondamental, mais qu’il est aussi donné par une définition. On appelle égaux deux objets tels que la substitution de l’un à l’autre, dans une opération uniforme [2] quelconque, n’altère pas le résultat. Y a-t-il en
- ↑ La plus grande partie des développements qui suivent sont empruntés aux travaux de M. Hoüel, Théorie élémentaire des quantités complexes, Paris, 1875.
- ↑ Cette qualification indique qu’on doit supposer le résultat de l’opération complètement déterminé. Dans le symbolisme algébrique, il peut arriver en effet, si l’opération n’est pas uniforme, que la substitution de deux quantités égales entre elles ne puisse se faire sans faire varier le nombre des déterminations. Ainsi , c’est-à-dire la racine carrée de l’unité, a deux valeurs, ; l’opération n’est donc pas uniforme ; si l’on remplace le symbole par le symbole qui lui est quantitativement égal, et si la convention est telle que doive être regardée comme la racine quatrième du carré de l’unité, cette racine a quatre valeurs .