Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
153
espinas. — philosophie expérimentale ex italie

broso compte surtout pour diminuer le nombre des criminels responsables. C’est la tendance commune des philosophes et des savants de l’école expérimentale italienne d’en appeler à l’État pour une organisation scientifique de l’éducation. Plusieurs présentent à ce problème des solutions analogues, mais sans se laisser aller à cette confiance naïve qu’on rencontre trop souvent ailleurs dans les vertus moralisatrices de l’alphabet et des quatre règles. La Revue a donné une analyse du livre de M. Angiulli intitulé La pédagogie, l’État et la famille. M. de Dominicis, professeur au lycée de Bologne[1], entre avec la même circonspection dans la même voie (La pédagogie et le darwinisme, Bari, 1877, 445 p. in-4o). Il repousse l’idée qu’on s’est faite, suivant lui, dans l’école idéaliste, d’une éducation omnipotente, plus forte que l’hérédité, et qui édifierait à son gré par toute la terre des esprits nouveaux sur un plan uniforme. L’éducation est pour lui une sélection naturelle opérée avec conscience sur la nature psychique des individus et des peuples, en raison des conditions du milieu physique et moral, des tendances héréditaires, et de la portée de leur développement historique. On peut donc la considérer comme une forme du procédé employé par la nature pour le développement des organismes. L’art et la nature s’y rencontrent, puisque le choix peut être méthodique, comme chez les sociétés civilisées, et qu’il a pour résultat la naissance de types sociaux nouveaux, comme la sélection inconsciente produit dans la nature de nouveaux types organiques. Cette définition de l’éducation l’amène à concevoir l’art pédagogique et ses applications possibles à l’organisation de l’enseignement, en Italie, d’une manière originale et nouvelle. Son livre est court, mais substantiel et plein de cet ordre lucide qui permet de dire beaucoup de choses en peu de mots.

Ainsi la philosophie expérimentale produit en Italie ses fruits ordinaires. À peine organisée, elle présente déjà une conception systématique du monde et de la vie ; la spéculation ne la détourne pas un seul instant de la fin dernière de la science, qui est la pratique : elle songe aux nécessités sociales ; elle se préoccupe de fonder le droit de punir ; elle cherche à fortifier et à préciser l’action de l’État dans l’éducation, et se sert des lumières que l’observation lui fournit sur la psychologie normale et morbide pour préparer des générations saines où les associations parasites réussissent plus difficilement à se recruter. C’est la meilleure réponse qu’elle puisse faire à ceux qui l’accusent de tendances subversives.

A. Espinas.
  1. M. de Dominicis est l’auteur d’un livre qui a fait en son temps un peu de scandale : Galilée et Kant, ou l’expérience et la critique. Un autre vient de paraître à Rome : La doctrine de l’évolution, Lœscher 1878.