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analyses. — chauffard. Études et problèmes de biologie.

conditions organiques se ramène à la génération, il ne réussit pas à nous persuader qu’il n’y ait pas nombre de mouvements, comme ceux du bras ou de la jambe, pour n’en pas citer d’autres, qui n’ont qu’un rapport imaginaire avec la puissance génératrice.

Mais nos doutes sur la valeur de sa formule augmentent encore bien davantage, quand il prétend l’appliquer, dupe d’une fausse analogie, à la pensée elle-même. La pensée, dit-il, est une génération véritable comparable à toutes les générations fonctionnelles de l’organisme. À l’aide de combien d’ambiguïtés et d’équivoques n’essaye-t-il pas de justifier cette comparaison dans des pages qui ne sont pas exemptes de quelque enflure, et où il fait intervenir ensemble les idées universelles de la raison, le vrai, le beau, le bien, les souffrances et les joies intellectuelles, les aspirations vers l’infini, les progrès du genre humain, l’immortalité de l’âme ?

Pour redescendre de ces hauteurs et prendre cette puissance génératrice en un sens purement physiologique et dans ce qu’elle a de réel, ne rentre-t-elle pas elle-même, quelque extension qu’on veuille lui donner, dans l’énergie motrice ? n’est-elle pas un cas ou un mode déterminé de cette énergie ? Le mouvement ne se rapporte-t-il pas à la génération ? Étant une puissance, n’est-elle pas aussi d’ailleurs une force et une énergie ? M. Chauffard s’éloigne donc de nous beaucoup moins qu’il le pense ; il n’évite aucun des prétendus inconvénients qu’il reproche à la définition que nous avons empruntée à l’histoire de la philosophie et à l’observation psychologique, tandis qu’il encourt lui-même celui d’en donner une qui, comme on le dit en logique, ne convient pas à tout le défini et laisse en dehors un certain nombre d’actions et de mouvements, pour ne pas parler des pensées, qu’il ne paraît guère possible de ramener à la puissance génératrice. S’il est des esprits qui, à l’exemple de M. Chauffard, s’inquiètent, au point de vue de la spiritualité de l’âme, fort à tort suivant nous, de cette attribution de l’énergie motrice, nous doutons fort que la puissance génératrice mise à sa place soit bien propre à les rassurer.

Dans tout le cours de son ouvrage, l’auteur fait des appels un peu trop répétés à la tradition, que nous ne méprisons certainement pas, quoiqu’à vrai dire elle ne vaille pas un seul bon argument. La médecine traditionnelle, les vérités traditionnelles, l’unité traditionnelle de la vie, la spontanéité traditionnelle, sont des expressions qui reviennent sans cesse sous sa plume. Il a même tout un chapitre consacré aux vérités traditionnelles. Quant à nous, il nous importe beaucoup plus de savoir si l’unité, la spontanéité, la finalité de la vie sont chose vraie que de savoir si elles sont traditionnelles ou non ; nous aimons mieux ses arguments que ses appels beaucoup moins scientifiques aux anciennes traditions et aux doctrines consacrées par Hippocrate ou par Galien. Mais, puisque M. Chauffard a un si grand respect pour la tradition, peut-être eût-il bien fait de ne pas s’en écarter en ce point, par l’innovation de valeur fort suspecte que nous venons de signaler. Malgré ces criti-