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analyses. — benno erdmann. Kant’s Prolegomena.

l’entendement pur. Enfin il se demande comment les concepts a priori peuvent s’appliquer à l’expérience. La déduction devient nécessaire : c’est l’œuvre laborieuse « qui lui a coûté des années de travail ». Elle l’occupe de 1772 à 1778. Il arrive à conclure que les catégories « ne donnent pas la moindre notion d’un objet en soi », et qu’elles ont exclusivement pour champ d’application l’intuition sensible. L’œuvre critique est achevée. La déduction des catégories en occupe le centre ; elle en exprime le sens profond : « la vérité est dans l’expérience[1]. »

III. L’idéalisme transcendantal (p.xliv-lxxvii, c-cx). — Le journal de Gottingue avait présenté la Critique comme « un système d’idéalisme transcendant ». C’est Kant qui relève l’expression malencontreuse, et il en fait sommairement justice[2]. Mais l’imputation d’idéalisme a été bien souvent reproduite depuis. On connaît les termes véhéments dans lesquels Schopenhauer accuse Kant d’avoir, « par crainte de l’opinion, résultat de la faiblesse de l’âge, » mutilé dans la 2e édition de la Critique les passages où s’avouait le plus franchement son idéalisme[3]. En quoi donc consiste précisément l’idéalisme transcendantal de la Critique, et quelles modifications subit-il dans les prolégomènes ? Nous touchons au point le plus délicat de la conviction de Kant. Nous n’avons ici qu’à suivre M. Erdmann dans cette recherche. Mais il importe de remarquer tout de suite que, d’après lui, « jamais un doute sur l’existence des noumènes » n’est entré dans la pensée de Kant.

L’idéalisme dans la 1re  édition de la Critique. — a. Il n’en est pas question dans l’esthétique. Toute la doctrine de l’esthétique se ramène à deux idées : origine empirique des impressions, origine a priori de l’espace et du temps ; et la conséquence qui en découle, « nos intuitions sensibles ne nous donnent que les phénomènes des choses en soi », est la formule d’une doctrine d’empirisme. Il n’en est pas question non plus dans l’analytique, dont la tendance empirique est plus manifeste encore. L’analytique n’agite qu’un seul problème : « Comment les concepts de l’entendement peuvent-ils s’appliquer à l’expérience ? » Elle se résume dans cette conclusion : « Le domaine de notre connaissance est exclusivement l’expérience possible. » Donc, dans les deux premières parties de son œuvre, Kant ne considère que les conséquences empiriques de sou système. — b. L’idéalisme parait dans la dialectique comme le moyen de découvrir f apparence transcendantale des idées. On remarquera qu’il est rattaché directement à l’esthétique, sans doute parce que le temps et l’espace ne peuvent valoir en aucune manière pour la connaissance des choses en soi, tandis que l’entendement pose le noumène, et pense la chose en général, quoiqu’en dehors de tout usage des catégories. Voici la définition de Kant : « J’entends

  1. Prolég., p. 17.
  2. Prolég., p. 192.
  3. « En vérité, la seconde édition ressemble à un amputé qui a une jambe de bois. »