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stuart mill.fragments inédits sur le socialisme

Grande-Bretagne et l’Irlande, y compris celle du transport d’un endroit à un autre, et celle de tous les agents qui y sont directement occupés, ne s’élève peut-être pas à moins de cent millions de livres, sans compter que quantité d’articles constituant cette richesse se détériorent par suite des transports de leur division, et par suite aussi du séjour qu’ils font dans des entrepôts et des lieux qui ne conviennent pas à cet usage, où l’atmosphère ne permet pas de les conserver dans un état passable, et encore moins dans l’état le meilleur pour la consommation. »

Citons encore un passage de Considérant qui met en lumière l’antagonisme d’intérêt de personne à personne et de classe à classe qu’on retrouve partout dans la constitution actuelle de la société :

« Si les producteurs de vins demandent l’abolition des douanes et la liberté d’importation et d’exportation, cette liberté ruine les producteurs de blé, les fabricants de fer, de drap, de coton, et, il faut le dire encore, puisque cela est, les contrebandiers et les douaniers. S’il est de l’intérêt des consommateurs que des machines soient inventées qui produisent à moins de frais et baissent le prix des objets, ces machines cassent les bras à des milliers d’ouvriers qui ne savent ni ne peuvent s’employer aussitôt à d’autres travaux. C’est encore là un des mille cercles vicieux de la civilisation… car il y a mille faits qui prouvent cumulativement que, dans le régime social actuel, la production d’un bien entraîne toujours la production d’un mal avec elle.

« Enfin, si vous descendez encore plus bas, si vous en venez aux détails vulgaires, vous trouvez que le tailleur, le cordonnier, le chapelier, ont intérêt à ce que les vêtements, les chaussures et les chapeaux soient promptement usés ; que le vitrier a intérêt à la grêle et aux orages qui brisent les vitres, le maçon et l’architecte aux incendies. L’avocat s’enrichit aux procès, le médecin aux maladies, le marchand de vin à l’ivrognerie, la fille de joie à la débauche. Et quel malheur pour la magistrature, les gendarmes, les geôliers, comme pour les avocats, les avoués et toute la basoche, si les crimes, les délits et les procès venaient tout à coup à disparaître[1] ! »

Ce qui suit est un des points cardinaux de cette école :

« Ajoutez à tout cela que la civilisation, qui sème de tout côté la division, la zizanie et la guerre, qui emploie une grande partie de ses forces à faire de grands travaux improductifs, ou à détruire, qui diminue considérablement la richesse générale par les frottements

  1. V. Considérant, Destinée sociale, I, 59, 60.