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ces progrès distinguent sans les séparer. On a longtemps admis, en dehors des écoles matérialistes, l’idée que les phénomènes vitaux étaient presque sans rapports avec les phénomènes physico-chimiques, qu’ils avaient leur explication dans l’action propre de la force vitale. La science contemporaine marche résolûment dans une direction contraire. On n’a point établi sans doute la complète identité des phénomènes des corps vivants et de ceux de la matière inorganique. Naguère encore, Claude Bernard rappelait avec insistance, et avec une autorité qu’on ne lui conteste point en de semblables matières, que « les phénomènes chimiques de l’être vivant, bien qu’ils se passent suivant les lois générales de la chimie, ont toujours leurs appareils et leurs procédés spéciaux, » en sorte que les phénomènes chimiques des organismes vivants ne peuvent jamais être assimilés complètement aux phénomènes qui s’opèrent en dehors d’eux[1]. » Mais, une réserve indispensable étant faite pour la présence de l’organisme vivant, toujours nécessaire à l’explication des phénomènes de la vie, la science moderne tend de plus en plus à ramener aux lois de la physique et de la chimie les fonctions de la respiration, de la circulation, des sécrétions, et, par une induction naturelle, les fonctions du système cérébral. Si les phénomènes physiques et chimiques ne sont que des mouvements, il en résulte que, l’organisme étant donné, toutes les manifestations de la vie sont des phénomènes mécaniques. Cela admis, si l’on admet encore que tous les sentiments, toutes les idées, toutes les volitions ont un phénomène correspondant dans l’ordre matériel, il en résulte qu’étant supposé un organe cérébral transparent et un observateur capable de tout percevoir et connaissant toutes les lois de la physiologie, cet observateur lirait dans l’organisme cérébral tous les phénomènes psychiques (sentiments, idées, volontés), de même que nous lisons toutes les pensées d’un écrivain dans les réunions diverses des caractères de l’alphabet. C’est là une hypothèse inductive. Je l’admets, sinon comme absolument démontrée, du moins comme revêtue par la science contemporaine d’une haute probabilité. Lorsqu’on aura bien reconnu la diversité essentielle des phénomènes corporels et des phénomènes psychiques, on ne conclura pas de leurs rapports à leur identité ; on n’arrivera pas à la pensée extravagante, qui figure dans quelques écrits contemporains, que la physiologie pourra remplacer la psychologie. Ceux qui parlent ainsi oublient que, s’ils étaient réduits à percevoir les faits physiologiques qui ne sont que des mouvements, ils n’auraient pas la moindre idée

  1. Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux, p. 166. — Rapport sur les progrès et la marche de la physiologie générale. pass.