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morales, telles qu’on les conçoit, sont proposées à l’homme sans lui être imposées ; elles comportent une violation que nous appelons le mal ; ce sont les lois de la liberté. Une psychologie sérieuse devra toujours faire une large part à l’élément involontaire dans l’ensemble des déterminations humaines ; mais, s’il ne reste pas un élément de liberté, si faible qu’il soit, dans le creuset de l’analyse psychologique, la ligne de démarcation entre les lois physiques et les lois morales disparaît, les actions des hommes sont utiles ou nuisibles, mais elles ne peuvent plus être légitimement qualifiées de bonnes ou de mauvaises, dans l’acception habituelle de ce terme. Les actes peuvent être constatés, mais les agents ne sont pas des êtres responsables qui puissent être jugés ; il n’y a plus de morale, il n’y a plus que des mœurs, dont l’étude rentre dans le cadre de l’histoire naturelle. Le conflit est donc bien manifeste entre la morale dont la liberté est le postulat fondamental, et la direction de la pensée qui ramène tous les phénomènes physiologiques à la physique et subordonne les phénomènes psychiques au déterminisme physiologique.

Dans nombre d’esprits contemporains, le conflit cesse par la négation de la liberté ; mais tout le monde n’abandonne pas sans combat la cause d’une idée de cette importance. L’étude du problème s’impose. Il n’est pas possible de dire : « Il y a une science des forces physiques, il y a une science des esprits : chacune de ces sciences a son domaine, et l’une n’a le droit de nier les résultats de l’autre. » Si tout phénomène spirituel a le mouvement de la matière pour condition, et si tous les mouvements de la matière, en vertu du principe de la constance de la force, tombent sous la loi d’un déterminisme absolu, il n’y a pas de place pour la liberté. Le mouvement est le lien indissoluble du monde des corps et du monde des esprits. Ces deux propositions : « Tout mouvement est nécessairement déterminé ; — Il y a des mouvements libres, » affirment et nient, en parlant du même objet et en prenant les termes dans le même sens ; elles ne peuvent subsister ensemble, parce qu’elles sont directement contradictoires. C’est là qu’est la véritable importance de la question des rapports du physique et du moral, de l’esprit et du corps. L’observation établit de plus en plus que tout phénomène spirituel a un correspondant matériel, que tous les modes passifs de la conscience ont un point de départ dans l’organisme, et que tous les modes actifs de la conscience se traduisent immédiatement en un fait organique. Il n’y a rien là qui puisse inspirer la moindre inquiétude légitime aux hommes préoccupés des intérêts moraux de l’humanité. Mais, si les modes actifs de la conscience sont soumis à un déterminisme absolu, tout élément de liberté disparaît, et les fondements de la