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vient dans un système déterminé. Si elle modifie la direction du mouvement, elle agit comme force, et, si toute force est un mouvement, elle ne peut intervenir sans modifier la quantité du mouvement universel. La question est donc de savoir si l’on a le droit d’identifier la force et le mouvement. Or cette identification n’est nullement justifiée ; elle est au contraire formellement démentie par une juste interprétation des phénomènes. C’est ici le point capital du débat.

Qu’est-ce qu’une force ? « Une cause de mouvement ou de modification du mouvement[1]. » Les progrès de l’astronomie tendent à établir que tous les astres du ciel se meuvent. On a renoncé depuis longtemps à considérer la terre comme le centre immobile de l’univers ; et maintenant on admet que le soleil lui-même se déplace, relativement aux étoiles, avec son cortège de planètes. En même temps, la physique nous apprend à considérer les corps immobiles en apparence comme étant le théâtre de mouvements moléculaires continuels ; elle nous enseigne que, dans une atmosphère absolument calme, la chaleur et la lumière sont les ondulations incessantes d’un fluide éthéré. Des corps peuvent être dans un repos relatif sur la surface du globe terrestre, de même que des objets peuvent être dans un repos relatif sur le pont d’un navire ; mais, autant que nous pouvons le savoir, tout se meut dans le domaine entier de notre expérience. Le passage d’un repos absolu au mouvement ne se produit donc jamais. Il en résulte qu’en réservant la question métaphysique de l’origine première du mouvement universel, origine qui ne saurait être un mouvement antérieur, on peut enlever de la définition de la force l’idée d’une cause de mouvement dans le sens de la création, et garder seulement cette formule : « Une force est une cause de modification du mouvement. » Maintenant la question revient à ceci : Un mouvement n’est-il modifiable que par un autre mouvement ? Non. En physique, nous sommes obligés de considérer la présence des corps, et non pas seulement le mouvement des corps. L’affinité chimique n’est point ramenée encore à un phénomène physique ; et, dans la loi de la gravitation, la masse des corps intervient comme une cause à laquelle la pensée s’arrête. Aucune hypothèse reconnue comme valable n’a encore réussi à expliquer l’attraction par un phénomène antécédent d’impulsion. Lorsqu’on dit : « Tout mouvement a pour cause un mouvement antérieur, » ce qui permet d’affirmer que, dans l’ordre physique, toute force est un mouvement, on formule une loi qu’on a le droit d’entrevoir dans l’avenir

  1. Delaunay, Traité de mécanique rationnelle, § 84.