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guyau. — l’hérédité morale de m. spencer

l’apprennent ; si nous ne les déchiffrons pas assez vite, d’autres caractères s’inscrivent aussitôt par-dessus les premiers, comme dans les palimpsestes ; des lignes nouvelles s’entrecroisent sur les anciennes lignes, les recouvrent et peu à peu les voilent aux regards. Aussi, en nous-mêmes, que de choses à jamais effacées, que de tendances aujourd’hui bien endormies et qui ne s’éveilleront pas !

Nous pensons, en exprimant ces idées et en nous efforçant de préciser le rôle de l’hérédité dans la formation du caractère moral, ne faire que commenter et interpréter dans un bon sens M. Spencer lui-même. S’il en était autrement, nous croyons que sa théorie tomberait sous beaucoup d’objections auxquelles, ainsi interprétée, elle nous semble échapper. Selon nous, la moralité organique de M. Spencer peut être admise par tous les philosophes ; mais, encore une fois, il faut plutôt entendre par là une certaine malléabilité du cerveau qu’une organisation déjà complète. L’hérédité ne nous donne pas de formule nette de la moralité, pas d’ « intuition » véritable ; quand elle parle en nous, c’est plutôt par demandes que par réponses ; elle pose chez l’homme civilisé le problème moral que n’entrevoit même pas le sauvage : mais la réponse à cette interrogation ne vient guère de l’hérédité même, elle est fournie surtout par le milieu intellectuel et moral où l’homme se trouve lacé.

Guyau.