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espinas. — philosophie expérimentale en italie

extrémité de l’échelle des êtres, d’un astre ou d’un système sidéral au sein d’une nébuleuse.

Un être qui se manifeste à nous pour la première fois se distingue des existences qui l’environnent. Ardigò n’ajoute pas qu’il doit subir en même temps d’autres différenciations intestines, chacune de ses parties devenant nécessairement distincte des autres. Mais cela est impliqué dans la formule générale. Chaque partie en effet a autant de droits que le tout à porter le nom d’être ; elle est un tout par rapport à ses éléments composants, comme le tout où elle figure est partie par rapport à un ensemble plus vaste. Par conséquent, chaque partie se distingue à mesure qu’elle se forme, et ainsi la loi du devenir par la distinction ou la différenciation croissante est une loi absolument générale ou universelle.

On voit dès l’abord que cette pensée est l’idée maîtresse du système de Spencer : elle n’en paraît être qu’un abrégé ; mais il y a lieu de se demander si cette abréviation n’omet pas des parties essentielles de la formule plus explicite du philosophe anglais. Celui-ci avait cru d’abord que l’évolution n’est qu’une différenciation ; plus tard, il a remarqué que certaines différenciations se produisent en sens inverse de l’évolution, c’est-à-dire qu’un être se dissout quand ses parties se distinguent les unes des autres d’une certaine manière : ainsi quand la maladie entraîne des différences nouvelles dans le corps organisé, abcès, tumeurs, décomposition du sang ; ainsi quand les banqueroutes, les grèves, les révoltes viennent apporter de nouvelles différences dans la structure d’un corps social. A cette première caractéristique de l’évolution, Spencer en a donc joint une autre : à savoir l’aspect de plus en plus défini de la formation nouvelle, résultant d’un certain mode de groupement de ses parties qu’il appelle l’ordre. L’être évolue et s’accroît lorsque ses parties se disposent dans des rapports simples et lui procurent ainsi une unité supérieure. Ardigò a sans doute pensé que dans les cas cités par Spencer la formule générale suffisait, parce que ces sortes de différenciations en sens inverse de l’évolution tendent à abolir la distinction qui sépare des autres l’être où elles se produisent. La désorganisation des tissus et la décomposition des liquides d’un organisme ont pour dernier terme la mort, par laquelle la distinction du corps organisé d’avec les corps inorganiques est abolie, et une société qui se désagrège par les crises commerciales et politiques violentes retourne par là à un état indistinct qui entraîne une absorption par les corps sociaux environnants, à moins que de nouvelles individualités ne recommencent à se dégager de ses débris. Peut-être a-t-il cru que le mot défini n’offrait pas un sens bien différent du mot distinct. Il