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stuart mill.fragments inédits sur le socialisme

que les profits, il arriverait généralement qu’on laisserait aller les choses dans les voies habituelles. A cette objection on peut répondre que si le choix du gérant dépendait des personnes directement intéressées au succès de l’entreprise, et qui ont en même temps la connaissance pratique des hommes et l’occasion de les juger, il se porterait probablement en moyenne sur des gérants plus habiles que ceux que désigne le hasard de la naissance, seule autorité qui décide le plus souvent, dans l’état actuel, à qui appartiendra le capital. C’est possible. On pourrait répondre que le capitaliste par héritage a aussi la faculté, comme la société, de nommer un gérant plus capable que lui ; mais il ne se trouverait pas plus avancé que la société et n’en tirerait pas plus d’avantage. Seulement les adversaires du socialisme peuvent alléguer que, sous le régime communiste, les personnes les plus propres à la gestion reculeraient probablement devant le poids de la fonction. Aujourd’hui, le gérant, fût-il serviteur à gages, a une bien plus grosse rémunération que les autres personnes engagées dans l’affaire ; en outre, sa fonction de gérant lui sert de premier échelon pour arriver à des positions sociales plus élevées qui s’offrent à son ambition. Dans le système communiste, il ne posséderait aucun de ces avantages ; il obtiendrait, comme tout autre membre, le dividende égal pour tous tiré du produit du travail de la société, " et rien de plus ; il n’aurait plus aucune chance de s’élever du rang de salarié à celui de capitaliste ; et, tandis que rien ne saurait rendre son sort meilleur que celui des autres travailleurs, sa responsabilité et ses inquiétudes augmenteraient tellement qu’une grande partie des hommes préféreraient probablement des positions moins honorées. Platon avait prévu cette objection au système de la communauté des biens entre les membres de la classe gouvernante. Le motif sur lequel il comptait pour décider les hommes capables à se charger des soucis et des travaux du gouvernement, sans y être poussés par aucun des motifs ordinaires, c’est la crainte d’être gouvernés par des hommes pires. En réalité, c’est sur ce motif qu’il faudrait le plus souvent compter ; les personnes les plus dignes de gérer les affaires se sentiraient portées à en assumer la charge, pour éviter qu’elles ne tombent en des mains moins dignes. Ce motif se montrerait probablement efficace aux moments où l’on sentirait que la société marche à sa ruine, ou même seulement qu’elle tombe dans un état moins prospère par l’effet d’une gestion inhabile. En règle générale, cependant, on ne saurait attendre que ce motif agisse sous l’impulsion moins pressante du désir de concourir simplement à une amélioration. Il en serait autrement des inventeurs ou des faiseurs de projets, gens