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reinach.le nouveau livre de hartmann

puisqu’elle poursuit avec une logique admirable la destruction de l’être. C’est donc bien à un Ormuzd et à un Ahriman d’un nouveau genre que nous avons affaire ; le substratum commun auquel on cherche à les rattacher est une conception inintelligible, ou bien équivaut au Zervane Akérène du mazdéisme postérieur, le « temps infini », c’est-à-dire la pure possibilité vide de contenu[1]. M. de Hartmann paraît s’être rendu compte de ces analogies compromettantes, et comme il ne veut à aucun prix sacrifier son monisme, il a modifié légèrement dans son nouvel ouvrage le fondement ultime de sa théologie. Nous reviendrons sur ce changement peu apparent, mais capital, et nous verrons si le système y a autant gagné en logique qu’en simplicité.


II

Les principes subjectifs de morale.


M. de Hartmann prend la peine de nous avertir (xii) « que son livre peut être lu et compris par tout lecteur instruit, sans aucune connaissance préalable de ses autres publications ». Il est d’accord avec son éditeur pour déclarer « que le présent volume n’est point un aride compendium d’éthique, une science à priori de ce qui doit être » (des Seinsollenden), mais « une phénoménologie de la conscience morale, c’est-à-dire une exploration aussi complète que possible du domaine empiriquement donné de la conscience morale, jointe à une élucidation critique de ces données intérieures et de leurs relations mutuelles et au développement spéculatif des principes qui les dominent » (V). « Cette phénoménologie se distingue essentiellement de toutes les recherches antérieures sur le principe de la morale par son point de départ empirique, par sa méthode inductive, par son universalité (Allseitigkeit) qui épuise la matière, et avant toute chose par l’absence de préjugés avec laquelle elle laisse entièrement à la marche de l’investigation phénoménologique le soin de décider s’il existe ou non une moralité, si cette moralité est une réalité ou une chimère, si elle a un principe ou non, si éventuellement ce principe est simple ou multiple, égoïste ou altruiste, hétéronome ou autonome, subjectif, objectif ou absolu ».

En présence de ces affirmations, il peut paraître injuste et bizarre de faire précéder l’exposé de cette morale inductive d’un résumé de la métaphysique de l’auteur, comme si celle-là découlait de celle-ci ;

  1. Le mazdéisme primitif est un dualisme pur. Voir sur la secte zervanite le récent ouvrage de M. James Darmesteter : Ormuzd et Ahriman, § 243 sq.