Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/406

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LE PROBLÈME PHYSIOLOGIQUE DE LA VIE

(FIN)[1]


Trois notions sont enfermées dans le mot de vie : c’est précisément la plus objective des trois que le philosophe vitaliste écarte sans daigner y arrêter son regard. Mettons-nous en présence d’un être vivant, animal ou plante. Si nous l’embrassons dans le temps, il nous montre une succession de phénomènes parfaitement réglée, une évolution ; si nous l’envisageons à un moment donné dans sa complexité, il nous révèle un ordre, un concert de phénomènes simultanés ; enfin, si nous l’analysons actuellement dans l’activité de ses parties élémentaires, nous y saisissons sur le vif le phénomène vital. Une conception de l’être vivant qui ne reposera pas sur les trois branches de ce trépied sera nécessairement boiteuse : les phénomènes simples, leur concert et leur succession doivent y trouver place, et nous ajoutons, leur place ; c’est-à-dire que, dans cette opération synthétique de l’esprit travaillant à se former une conception de la vie, il faut partir de l’élément simple pour s’élever au complexus dans le temps et dans l’espace. En d’autres termes, la vie élémentaire sera le fondement de toute conception rationnelle et juste.

Claude Bernard en a jugé ainsi. Après que l’expérience lui eut montré dans l’activité de l’infiniment petit anatomique le raccourci des fonctions qui appartiennent aux êtres les plus élevés, il le considéra non plus comme un fragment d’être vivant, mais comme un vivant, comme la réelle unité vitale : chaque élément cellulaire vit par lui-même, essentiellement autonome, indépendant au même titre et presque dans la même mesure que le citoyen d’une république admirablement ordonnée, tirant son activité de son propre fonds au lieu de l’emprunter à l’association dans laquelle il est engagé, nous présentant la vie réduite à sa plus simple expression, à l’état fruste, en quelque sorte à l’état de nudité, mais complète pourtant, reconnaissable en ce qu’elle nous laisse apercevoir l’ébauche du tableau que nous offre l’animal entier, dont la vie est le complexus d’une multitude de vies élémentaires.

  1. Voir la Revue philosophique, tome vi, p. 441, et tome vii, p. 287.