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espinas. — philosophie expérimentale en italie

des louanges pour tous les temps et pour toutes ses œuvres. »

L’univers ainsi conçu semble gouverné par une nécessité inflexible. Ardigò réclame pour sa conception de la nature, avec l’avantage de l’optimisme, la possibilité de la contingence. Certes, dit-il, si les antécédents de chaque phénomène formaient une série finie d’événements invariables, le phénomène actuel serait fatalement déterminé. Mais, s’il peut en être ainsi dans une hypothèse mathématique, il n’en est pas ainsi dans le monde réel, où tout change, où aucune combinaison de formes et d’événements ne ressemble à celle qui l’a précédée, où enfin le nombre des combinaisons antécédentes et concomitantes d’où sort chaque existence nouvelle est à la lettre infini. On ne saurait donc prévoir d’une manière rigoureuse le cours des événements. On le pourrait dans un groupe de phénomènes que l’on aurait isolé du reste de la nature, si une telle séparation était réalisable ; on y réussit approximativement là où l’homme a réalisé approximativement cette condition, comme dans les préparations des laboratoires et dans les entreprises ordinaires de la vie ; mais on ne peut jamais exclure absolument l’imprévu, parce qu’il faut toujours compter avec l’univers, où des influences dont nous ne disposons pas se croisent et s’entrecroisent à l’infini, toujours prêtes à se jeter à la traverse de nos combinaisons. — On peut donc dire du système Ardigò que c’est un mécanisme où le monde sans Dieu est gouverné pour le mieux par le hasard.

Beaucoup d’idées solidement établies dans les esprits sont combattues par les hardies conceptions de notre auteur, entre autres la distinction vulgaire entre les êtres inanimés et les êtres animés. Il ne nie pas qu’il y ait une différence ; mais il soutient que cette différence porte seulement sur le degré d’individualité et de distinction auquel se sont élevés les êtres vivants, degré que n’ont pas atteint les autres. Un astre est une formation naturelle soumise aux mêmes lois générales qu’un insecte ou une plante ; de là sa naissance naturelle, son organisation naturelle, sa mort naturelle : il n’est pas plus besoin de recourir à un acte spécial, extérieur pour expliquer ces phénomènes que pour expliquer la naissance, le développement et la mort d’un animal quelconque, d’une abeille ou d’une poule. C’est encore une idée généralement admise, quoique moins chère à notre époque qu’à l’antiquité, que le caractère exceptionnel et unique de la terre, du soleil, du système tout entier dont notre globe fait partie : les anciens y voyaient autant de dieux. Le point de vue d’Ardigò veut qu’on classe les astres suivant leurs ressemblances et leurs différences, à la façon des plantes ou des animaux ; car, dit-il, il y a peut-être plus de soleils au ciel que de feuilles sur la terre. Dès lors,