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même succession. Enfin, les facultés d’abstraire et de généraliser sont-elles une fonction de l’association ? Mais l’association suppose l’abstraction,car, pour que des images se fondent en une seule, il faut que les différences qui les séparent aient été écartées.

Si quelques erreurs viennent de l’association, faut-il en conclure que les principes qui deviennent invariables n’ont pas d’autre origine ? Dans la théorie associationiste, aucune association n’est indissoluble. La nécessité est une illusion, et la science, prévision raisonnée, perd son caractère de certitude. D’où nous vient l’élan à franchir les limites du présent pour nous représenter mentalement le futur ? Cette force est acquise d’après l’école anglaise par des expériences répétées ; mais que sont ces expériences auprès des cas inconnus de l’avenir ? Les habitudes mentales auxquelles on réduit tout, ne sont pas une garantie assurée, et la science est illusoire. Il faut donc convenir que les principes sans lesquels l’expérience de l’avenir est précaire ne se forment pas peu à peu en nous par l’accumulation de témoignages favorables. L’esprit est inné. Cette innéité est-elle absolue ou relative ? M. Spencer a essayé de l’expliquer par l’évolution. Remarquons d’abord que l’évolution et la création ne sont pas entièrement opposées. Il y a dans révolution deux choses qu’il ne faut pas confondre : une série de phénomènes mécaniques liés les uns aux autres par des lois de corrélation et d’équivalence et une série de formes successives dont ces phénomènes sont la matière sans en être toute la raison. L’évolution est une suite d’apparitions successives ; la continuité est une contradiction dans les termes, parce qu’elle impliquerait un nombre infini actuellement réalisé. Si quelque chose de nouveau apparaît à chaque stade de l’évolution, c’est une addition véritable à ce qui préexistait, non une transformation.

L’évolution ne saurait expliquer les principes de la connaissance. La théorie de M. Spencer est invérifiable, car nous ne pouvons faire abstraction des lois actuelles de la pensée pour assister à leur genèse. D’un autre côté, nos conceptions sont distinguées par des caractères irréductibles. Elles ne sauraient donc sortir les unes des autres. Enfin quelle est l’origine première de nos connaissances ? Elle ne saurait se trouver que dans un sujet pur ou dans un objet sans corrélation avec le sujet. L’existence du sujet pur est incompatible avec l’hypothèse, mais l’objet pur est inconcevable.

La science ne peut pas se suffire à elle-même. L’empirisme conduit au nihilisme. Kant montre que faits et principes sont donnés ensemble, que l’objet de la connaissance est une synthèse de l’objet, au sens vulgaire du mot et du sujet. Dans la conception de Kant, la sensation est subjective, mais pour devenir objet de connaissance, elle revêt des formes qui sont le résultat et l’expression des lois fondamentales de la conscience. La doctrine de Kant nous préserve aussi du scepticisme idéaliste.

La critique s’appuie sur ce fait que la sensation ne devient un objet