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servir, mais encore le pervertissent en modifiant arbitrairement le sens de mots consacrés par un long usage.

Ces réflexions nous sont suggérées par la théorie de M. Shadworth-Hodgson sur ce qu’il nomme l’intension, l’extenaion et la compréhension.

Depuis les travaux des logiciens du moyen âge, ces trois termes ont toujours conservé la même signification, et ils sont d’un usage constant en logique et dans la psychologie de l’entendement. Le sens en a été fixé conformément à l’étymologie et à la nature des choses qu’ils désignent.

La compréhension, à laquelle correspond la connotation des noms généraux, est le contenu d’un concept, c’est-à-dire l’ensemble des concepts plus simples dans lesquels on peut le décomposer.

L’extension, à laquelle correspond la dénotation des noms généraux, est l’étendue d’un concept, c’est-à-dire l’ensemble des objets réels auxquels on peut l’appliquer.

Intension est synonyme de compréhension, les qualités qu’un concept enveloppe étant inséparablement bées dans son unité, comme autant de degrés dans l’unité d’une grandeur intensive.

Voici maintenant comment M. Hodgson définit ces trois mots (p. 163.) :

1° L’intension d’un terme désigne les percepts qui le constituent en tant que percept ;

2° L’extension, la commune intersection des concepts de sa définition, ou les concepts qui constituent ce terme comme concept ;

3° La compréhension, les percepts individuels auxquels ce terme peut s’appliquer.

Visiblement, M. Hodgson nomme extension ce qui de tout temps s’est appelé compréhension, et compréhension ce qui jusqu’à ce jour portait le nom d’extension.

Dans sa nouvelle langue, un concept compréhensif est celui qui s’étend à un très-grand nombre d’objets, et un concept étendu celui qui comprend un très-grand nombre de qualités.

Quel avantage peut offrir une si bizarre interversion des significations traditionnelles ? Nous n’en voyons pas d’autre, si c’en est un, que celui de donner à une doctrine aussi vieille que la logique elle même un faux air de nouveauté qui ne peut tromper personne.

M. Hodgson distingue l’intension de la compréhension nommée par lui intension ; et peut-être cette distinction a-t-elle son utilité.

L’intension ne se rapporte pas aux idées mais aux choses mêmes : elle est la combinaison de modes individuels immédiatement perçue et sentie dans un objet. C’est donc la compréhension réalisée dans une chose individuelle.

Il eût été, croyons-nous, plus simple de conserver aux mots extension et compréhension le sens que tout le monde leur donne, sauf à distinguer deux formes de la compréhension, la compréhension abstraite, relative aux concepts, et la compréhension concrète, relative aux percepts ou aux objets individuels.

On eût pu d’ailleurs proposer le mot d’intension pour désigner la compréhension concrète. La compréhension abstraite aurait alors repris son nom pur et simple de compréhension.

Considérez-vous une idée en elle-même, dans l’assemblage de qualités qui la constitue, c’est le point de vue de la compréhension.

La considérez-vous dans l’objet individuel où elle se réalise, c’est le point de vue de l’intension.

La considérez-vous enfin dans le nombre indéfini d’objets où elle peut se réaliser, c’est le point de vue de l’extension.

M. Hodgson aurait donc pu sans difficulté exprimer ses théories en cette matière avec les ressources du vocabulaire classique.