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l’une dans l’autre, — cela peut durer une fraction de seconde, une heure ou des années, — jusqu’à ce qu’enfin, tout étant terminé, nous avons décidé comment nous agirons en des circonstances semblables à celles qui ont causé chez nous l’hésitation, le doute. En d’autres termes, nous avons atteint l’état de croyance.

Observons ici deux sortes d’éléments de perception intérieure, dont quelques exemples feront mieux saisir la différence. Dans un morceau de musique, il y a des notes séparées et il y a l’air. Un simple son peut être prolongé une heure ou une journée ; il existe aussi parfaitement dans chaque seconde que durant tout cet espace de temps. De cette façon, aussi longtemps qu’il résonne, il est présent à un esprit auquel le passé échapperait aussi complétement que l’avenir lui-même. Mais il en est autrement de l’air. Son exécution occupe un certain temps, et dans les parties de ce temps ne sont jouées que des parties de l’air. L’air consiste en une succession ordonnée de sons qui frappent l’oreille à différents moments. Pour percevoir l’air, il faut qu’il existe dans la conscience une continuité qui rende présents pour nous les faits accomplis dans un certain laps de temps. Évidemment nous ne percevons l’air qu’en entendant séparément les notes ; on ne peut donc pas dire que nous l’entendons directement, car nous n’entendons que ce qui se passe à l’instant présent, et une succession de faits ordonnés ne peut exister en un seul instant. Ces deux sortes d’éléments que la conscience perçoit, les uns immédiatement, les autres médiatement, se retrouvent dans toute perception intérieure. Certains éléments, les sensations, sont complètement présentes à chaque instant aussi longtemps qu’elles durent ; les autres, comme les pensées, sont des actes ayant un commencement, un milieu et une fin, et consistent dans un accord de sensations qui se succèdent et traversent l’esprit. Elles ne peuvent être présentes pour nous d’une façon immédiate, mais elles doivent s’étendre quelque peu dans le passé et dans l’avenir. La pensée est comme le fil d’une mélodie qui parcourt la suite de nos sensations.

On peut ajouter que, comme un morceau de musique peut être écrit en parties ayant chacune son air, ainsi les mêmes sensations peuvent appartenir à différents systèmes de successions ordonnées. Ces divers systèmes se distinguent comme comprenant des mobiles, des idées et des fonctions différentes. La pensée n’est qu’un de ces systèmes ; car ses seuls mobiles, idées et fonctions, sont de produire la croyance, et tout ce qui ne tend pas à ce but appartient à d’autres systèmes d’associations. L’acte de penser peut quelquefois avoir d’autres résultats ; il peut servir à nous amuser. Par exemple, il n’est pas rare de trouver parmi les dilettanti des hommes qui ont telle-