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nolen.les maîtres de kant

à la preuve cartésienne, reproduite même par Leibniz et trop exclusivement invoquée par Wolff, à savoir l’opposition substantielle de la matière et de la pensée. La partie réfutative de l’ouvrage n’est pas moins intéressante. L’auteur y combat avec succès certaines objections et s’essaye, mais avec moins de bonheur, à éclaircir l’obscur problème de la transmission de l’âme des parents aux enfants. Malgré ses mérites, l’ouvrage de Knutzen fut bientôt oublié ; et, lorsque l’apparition de « L’homme machine » de La Mettrie en 1747 vint ramener l’attention autour du matérialisme, il ne semble pas que ni le livre ni son auteur aient joué un rôle dans le débat.

À ce moment d’ailleurs, Knutzen était occupé par la composition de sa Logique, qui parut sous le titre de « Elementa philosophiæ rationalis seu logicæ cùm generalis tùm specialioris mathematica methodo demonstrata ». Le livre, comme le titre l’indique du reste, vise à la rigueur et aux formes de la démonstration mathématique : nous avons déjà eu l’occasion de signaler la même tendance dans d’autres écrits de Knutzen. Des modifications importantes sont introduites dans la théorie du syllogisme. Le chapitre des erreurs est beaucoup plus étendu et plus complet que dans la Logique de Wolf. Mais ce qui fait surtout l’originalité du livre, c’est la préoccupation constante et la connaissance approfondie des doctrines de l’idéalisme anglais. Le problème de la certitude des objets extérieurs, que Wolf ne s’était même pas posé, est sérieusement examiné ; et les arguments du scepticisme, soumis à une discussion approfondie. Le dogmatisme imperturbable de Wolf était resté presque entièrement étranger à ces questions. L’action des philosophes anglais sur la pensée de Knutzen se trahit encore en maints endroits par l’importance qu’il est entraîné à reconnaître à l’expérience, dans la formation de la connaissance. « Bien que les vérités sensibles ne puissent être rangées au nombre des principes universels de la connaissance, qui sont des vérités κατ’ ἐξοχὴν, le principe universel par excellence, celui de contradiction serait absolument stérile, si l’expérience ne fournissait les idées, sur l’accord « ou la contradiction desquelles nous jugeons d’après ce principe. » Ne surprend-on pas encore les germes de l’esprit critique dans cet autre passage : « Comme nos sens sont limités et que les organes de la connaissance sensible ne sont pas propres à saisir toutes les qualités possibles des choses, il suit do là naturellement que toute notre connaissance est limitée. Si quelqu’un pouvait acquérir de nouveaux sens, il prendrait des choses par leur aide une connaissance qu’il serait hors d’état de communiquer aux autres. » L’action de l’empirisme anglais s’était donc fortement exercée sur