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straszewski.herbart, sa vie et sa philosophie

préparait la régénération future de la nation allemande et allait se montrer plus important et plus fécond en résultats bienfaisants pour l’humanité entière que bien des événements et bien des combinaisons qui eurent lieu sur l’échiquier de la diplomatie et de la guerre.

Parmi les hommes cultivés de notre temps, il n’est certainement pas un seul qui ne connaisse l’histoire de ce mouvement intellectuel en Allemagne au xviiie siècle, et qui n’ait été frappé du contraste qu’il forme avec la décadence politique du pays. Un revirement complet s’était opéré vers la moitié du xviiie siècle dans la littérature et la critique allemandes. Alors la grande « Sturm und Drangperiode » de la poésie engendra celle de la philosophie. Tandis que la première avait accompli une véritable révolution dans l’ordre littéraire et esthétique, et qu’elle avait transmis à la postérité les œuvres de Herder, Lessing, Schiller ou Gœthe, la seconde renversa toutes les vieilles notions et formules philosophiques, créa des systèmes nouveaux et se laissa entraîner par l’essor impétueux de la spéculation dans de tels abîmes d’idées qu’elle surpassa Platon dans ses hardiesses.

Kant fut le premier qui inaugura en Allemagne cette époque révolutionnaire de la philosophie. Il lui donna par ses trois critiques une base entièrement nouvelle et lui imprima une direction qu’elle n’avait pas encore eue. Fière de ce succès, éblouie par la splendeur des horizons qui venaient de lui être dévoilés du nouveau point de vue choisi par Kant, la spéculation s’éleva pour résoudre d’un seul élan le problème de l’univers. Alors, comme si une baguette de fée venait de toucher le terrain de la philosophie, on vit surgir tout d’un coup des systèmes nouveaux pareils à des palais enchantés. Kant vivait encore, que d’un côté Reinhold réformait déjà à sa manière la philosophie critique et se faisait des adeptes parmi des esprits tels que Schiller ou Humboldt, tandis que de l’autre côté Fichte transformait les idées du maître en un idéalisme outré. Fichte n’avait pas encore terminé sa tâche que Schelling cherchait déjà à la développer en offrant à ses compatriotes une clef nouvelle pour résoudre le problème de l’univers dans un système basé sur l’identité du sujet avec l’objet. Schelling n’avait pas eu le temps de bien mûrir ses idées, que Hegel se mit à son tour à construire l’édifice imposant du panlogisme. Outre ces efforts principaux, des centaines d’autres s’unirent et se croisèrent entre eux, et plus d’un esprit se berça de la douce illusion que le temps était venu où l’on allait lire à livre ouvert dans les mystères de la création.

Il est probable que les idées de Kant tombées sur un autre terrain