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avec la manière dont nous agirons dans une circonstance donnée, — comme par exemple quand on écoute un morceau de musique, — nous n’appelons point cela penser.

Pour développer le sens d’une pensée, il faut donc simplement déterminer quelles habitudes elle produit, car le sens d’une chose consiste simplement dans les habitudes qu’elle implique. Le caractère d’une habitude dépend de la façon dont elle peut nous faire agir non pas seulement dans telle circonstance probable, mais dans toute circonstance possible, si improbable qu’elle puisse être. Ce qu’est une habitude dépend de ces deux points : quand et comment elle fait agir. Pour le premier point : quand ? tout stimulant à l’action dérive d’une perception ; pour le second point : comment ? le but de toute action est d’amener au résultat sensible. Nous atteignons ainsi le tangible et le pratique comme base de toute différence de pensée, si subtile qu’elle puisse être. Il n’y a pas de nuance de signification assez fine pour ne pouvoir produire une différence dans la pratique.

Considérons, à la lumière de ce principe, où nous sommes conduits, dans une question comme la transsubstantiation. Les Églises protestantes admettent en général que les éléments du sacrement ne sont de la chair et du sang que dans un sens symbolique : ils nourrissent les âmes, comme la viande et son suc nourrissent les corps. Les catholiques au contraire soutiennent que ce sont bien de la chair et du sang en réalité, bien qu’ils aient toutes les propriétés sensibles du pain sans levain, et du vin étendu d’eau. Mais nous pouvons avoir du vin une autre conception que celle qui peut entrer dans une croyance. De deux choses l’une :

Ou une telle chose est du vin ;

Ou le vin a certaines propriétés.

Ces croyances sont seulement des assurances que nous nous donnons à nous-mêmes qu’à l’occasion nous agirons vis-à-vis de ce que nous croyons être du vin, selon les propriétés que nous croyons appartenir au vin. L’occasion d’un tel acte serait la perception d’un fait sensible, et son but la production de quelque effet sensible. Ainsi nos actions ont exclusivement pour objet ce qui affecte les sens ; notre habitude a le même caractère que nos actions ; notre croyance que notre habitude et notre conception que notre croyance. Donc, par vin nous n’entendons rien autre chose que ce qui produit sur les sens divers effets directs ou indirects, et parler d’un objet doué de toutes les propriétés matérielles du vin comme étant en réalité du sang n’est qu’un jargon dépourvu de sens.

Mais mon but n’est pas d’examiner cette question théologique, et,