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logique normal de la genèse de la volonté (folie, somnambulisme, ivresse, vice habituel, passions ou entraînements maladifs). L’absence de ces désordres achève l’imputabilité subjective.

Les associations d’idées involontaires. — Pendant le sommeil nous ne sommes pas maîtres de régler l’enchaînement de nos représentations ; dans l’état de veille, l’attention impose ses lois à la pensée et l’empêche d’errer au hasard.

La domination des motifs sensibles immédiats. — L’absence de cette domination s’appelle empire sur soi-même (Selbstbeherrschung). C’est surtout parce que nous pouvons nous soustraire à l’empire des passions du moment présent pour poursuivre avec calme et réflexion un but longuement prémédité, que nous sommes plus libres que les animaux.

La tyrannie de l’égoïsme. — On a vu en effet que le renoncement à soi-même est le fondement de la moralité.

L’hétéronomie. — La volonté doit s’affranchir du joug de l’autorité extérieure pour être moralement responsable ; mais il n’est pas nécessaire qu’elle l’ait complètement secoué pour être légalement responsable : les lois pénales seraient superflues si cet affranchissement était général. Cette considération doit nous disposer autant à l’indulgence pour autrui qu’à la sévérité pour nous-mêmes.

La prédominance des mobiles sensibles en général. — La plus haute forme de l’autonomie morale consiste dans l’hégémonie de la raison. Liberté et raison sont des termes convertibles[1].

Nous avons suivi M. de Hartmann dans cette longue analyse dont le résultat final n’est autre qu’une formule donnée par Leibniz et Hegel. Il est fâcheux de devoir avouer que loin d’avancer l’état de la question elle en recule indéfiniment la solution. En effet, de l’aveu même de notre auteur, l’analyse précédente prouve « que toutes les formes de la liberté intérieure ne consiste qu’à transporter l’empire d’une partie de l’âme à l’autre ; la liberté n’est jamais que partielle et l’affranchissement d’une contrainte est achetée par l’asservissement à une autre contrainte[2] » Il y a, comme on voit, une remarquable coïncidence entre cette théorie politique et celle de la liberté politique que résume cette phrase (390) : « La tâche des hommes ne consiste pas dans la conquête de la liberté, mais dans la soumission volontaire à une servitude rationnelle. » La seule différence c’est

  1. Nous ne voyons pas de différence appréciable entre cette définition de la liberté et celle qu’ont adoptée plusieurs spiritualistes récents ; la liberté est le pouvoir de se déterminer d’après des concepts. Aussi toutes les critiques qu’on va lire s’appliquent-elles également à cette formule.
  2. Phénoménologie, p. 447.