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Collège, la philosophie est enseignée par Noah Porter. Son manuel est connu chez nous. L’auteur est un clergyman éclairé qui essaye d’opposer un mélange de Kant et des Écossais au darwinisme et au matérialisme. A l’université de Harvard, la philosophie est enseignée d’après la méthode historique. On se sert surtout des auteurs modernes jusqu’à (et y compris) Schopenhauer, Hartmann, Taine. Les principaux représentants de cette université sont W. James, néo-kantien ; Bowen, théiste et éclectique ; Everett, hégélien ; J. Fiske, qui, dans ses Outlines of cosmic Philosophy, a donné une excellente exposition de la philosophie de Spencer ; J.-E. Cabot[1]. On enseigne dans cette université la psychologie physiologique, d’après les recherches allemandes. C’est le seul cours de cette espèce qui existe aux États-Unis. On croit que cet exemple sera imité par la nouvelle université de Baltimore.

En dehors des collèges et universités, la philosophie est représentée par les hégéliens de Saint-Louis (Missouri), que le Journal of spéculative philosophy fait suffisamment connaître à nos lecteurs. M. Stanley Hall recherche les causes qui ont pu faire naître cette idée dans un pays si positif.

L’enseignement scientifique est très-imprégné des doctrines évolutionnistes (Spencer, Lewes, Darwin, Huxley, Haeckel), au point que trop souvent les élèves trouvent plus commode de s’en tenir à ces théories générales que d’étudier les détails. A cette tendance se rattachent le Popular Science Monthly, dirigé à New-York par le Dr  Youmans, et les publications du mathématicien C.-S. Peirce, dont les études de logique (publiées ici même) offrent un caractère original : elles sont vivement louées par l’auteur de l’article.

En résumé, l’auteur croit que « si les philosophes en Amérique sont aussi rares que les serpents en Norwège », cela vient de ce que le pays est trop jeune. Les hommes d’affaires, les travailleurs, et c’est presque toute la nation, ont une méthode rapide, simple, raide de traiter les questions de foi et de raison. Mais le pays « n’est pas assez vieux pour avoir pu développer ses aptitudes philosophiques ; il est trop curieux, trop réceptif pour qu’il y ait lieu de désespérer. »

Avril 1819. — C’est encore à M. Stanley Hall qu’est dû l’article sur Laura Bridgman qui commence le numéro d’avril. Ce sujet a été déjà traité ici dans la livraison de mars ; mais, comme l’auteur rapporte des observations et des recherches faites par lui sur Laura Bridgman, nous y trouvons bon nombre de renseignements à relever. Voici les principaux : Laura ne garde aucun souvenir des vingt-six premiers mois de sa vie antérieurs à sa maladie ; elle a au contraire un souvenir net de la période qui s’étend jusqu’à son entrée à l’asile (huit ans) ; durant ce temps « les processus psychiques, si complexes qu’ils fussent, étaient produits et rappelés sans l’aide du langage. » La surdité est

  1. Un grand nombre d’articles de MM. James et Cabot ont été analysés dans la Revue philosophique et ont dû être remarqués des lecteurs.