Toutes ces idées sont justes ; elles s’imposent à tout esprit qui ferme les traités d’esthétique et s’interroge librement, sincèrement, en face de la beauté qu’il aime. Mais constatons encore que l’auteur ne doit aucune des vérités qu’il exprime à l’observation du système nerveux et à l’histoire de l’art. Il a regardé des tableaux, écouté des symphonies, lu des poèmes ; Il a analysé ses sentiments ; il a éprouvé que l’œuvre révèle son créateur et que les artistes sont de grandes âmes qui se font aimer en se faisant connaître. N’est-ce pas là de l’observation intérieure ? L’auteur n’est-il pas une fois de plus convaincu de dire vrai, non pas à l’aide, mais en dépit de sa méthode ? Ne se borne-t-il pas aussi comme toujours à constater des faits sans les expliquer ? Le génie, dit-il, est la manifestation de la personnalité de l’artiste, et il ajoute : « L’artiste diffère de l’homme par le degré, non par la nature de nos facultés. » Étudiez donc l’homme ; la définition du génie se complétera par la connaissance plus exacte de cette activité intérieure dont il est la plu-s haute manifestation. Le génie, c’est l’homme ; qu’est-ce donc que l’homme ? La psychologie ne pourra vous en apprendre moins que la physiologie, qui vous amène à cette explication dérisoire : « En fait et considéré en lui-même, le génie n’est qu’une supériorité de puissance de perception, provenant d’une exagération de sensibilité. »
De la beauté. — Si nous en croyons les platoniciens, en Dieu réside l’éternelle beauté, en son intelligence souveraine vivent les idées qu’imitent imparfaitement les choses d’ici-bas ; il est l’artiste suprême, et qui pourrait s’élever par l’extase jusqu’à la contemplation de ces types de toute réalité n’aurait plus que du mépris pour les images grossières sculptées dans la matière rebelle. Dégager des ténèbres qui l’obscurcissent cette lumière de la pure beauté, retrouver dans leurs pâles images la splendeur des exemplaires éternels des choses, repenser la pensée divine, lui donner une expression sensible : telle est l’œuvre qui s’impose à l’effort de l’homme et qui seule peut satisfaire à ses légitimes aspirations. La beauté est divine, l’art est une religion, le génie est une extase, et le plaisir esthétique est une élévation vers les choses d’en haut. — Théorie séduisante, qui n’a qu’un malheur, celui d’être détruite par la contradiction brutale des faits. Est-ce dans l’esprit divin que les artistes ont copié les vices odieux « de l’immense multitude des misérables qui peuplent la littérature de tous les temps et de tous les pays ». Quels types de beauté, quelles idées de Dieu reproduisent Néron, Agrippine, Yago, la Marneffe, la cousine Bette, et la pauvre Mme Bovary ?
Dirons-nous avec certains philosophes ; C’est l’exactitude de