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lique sert encore aux intérêts conservateurs est un débris d’une époque plus ancienne, non jésuitique. Le jésuitisme lui-même est aussi peu conservateur que libéral ; il est radical dans le sens extrême ; il arbore franchement l’étendard de la révolution politique et laisse déjà entrevoir la subversion sociale, pour laquelle il trouvera une arme redoutable dans l’exemple du communisme chrétien primitif. Toujours prêt à s’approprier les idées nouvelles qui renferment des germes féconds et à les détourner à son profit, le jésuitisme n’a pas seulement enfin commencé de tenir compte des tendances démocratiques de l’esprit moderne ; il a encore adopté ces tendances sous la forme expresse du socialisme, avec la seule différence qu’il conserve à ses associations démocratiques un caractère catholique bien prononcé et les tient fermement sous sa main comme instrument de sa puissance… Le socialisme anti-religieux ne peut fleurir que sur le sol du protestantisme ; dans les pays catholiques, le jésuitisme socialiste le remplace. Le groupe anti-religieux ne peut conserver son existence indépendante qu’aussi longtemps qu’il est en état d’entourer d’une sorte de culte vague son idéal social non encore réalisé ; mais l’accomplissement de ses plans consommerait sa ruine au profit du socialisme catholique, resté seul maître du champ de bataille[1]. »

Le danger qui menace l’État et la société est formidable ; le mal a des racines profondes ; mais ce n’est pas en restant sourd aux revendications des démocrates qu’on le conjurera, c’est en leur faisant droit dans ce qu’elles ont de légitime. Théoriquement, le principe absolu de l’intérêt général ne peut se soutenir, et il suffirait d’en découvrir les conséquences à ses fidèles pour leur ouvrir les yeux ; mais, dans la pratique, combiné avec le principe de l’évolution, il doit être la préoccupation constante des gouvernements et des partis soucieux de l’avenir : l’amélioration de la condition du plus grand nombre doit se concilier dans une juste mesure avec les progrès de la culture de l’élite. C’est ainsi, par exemple, que dans les industries arrivées au terme de leur développement et qui, par suite, ne peuvent plus profiter par la concurrence, le monopole de l’État, exigé par l’intérêt général, ne doit plus être combattu : Hartmann se déclare partisan du rachat des chemins de fer et entrevoit dans un avenir plus ou moins rapproché l’absorption de toutes les banques particulières dans une Banque nationale partout ramifiée.

Il y a de la justesse et de la profondeur dans presque toutes les considérations de M. de Hartmann ; nous ne croyons pas que le

  1. Phénoménologie, p. 647-8,