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reinach. — le nouveau livre de hartmann.

ne saurait approuver la procréation même d’enfants destinés à mener ici-bas une existence misérable. On arrive alors à demander soit avec Schopenhauer et Mainlænder la chasteté absolue, soit avec les Skoptzis la mutilation volontaire, soit avec certains philosophes anciens l’avortement et l’infanticide.

Pour les hommes, la question des naissances n’a guère qu’un intérêt économique ; pour les femmes, elle touche à leurs intérêts vitaux : leur existence même y est en jeu. C’est à tort qu’on s’imagine que les femmes trouvent plus de plaisir que de douleur dans l’accomplissement des fonctions de la maternité ; en réalité, on ne saurait penser sans frémir à tous les tourments que la femme endure avant, pendant et après ses couches. Quand le soldat part pour la guerre, il a du moins l’espérance de retourner sans blessure ; pour la femme, le mariage est une campagne où elle sait d’avance qu’elle ne peut sortir intacte d’aucune rencontre (694). L’ignorance du danger atténue la crainte de la première bataille ; il n’en est plus de même des suivantes. Il faut une véritable résignation, bestiale ou stoïque, pour affronter tant de fois un péril certain. Elle s’explique par le respect des autorités hétéronomes, par l’espoir d’un bonheur chimérique, par la force de l’instinct ; mais, une fois que toutes ces illusions se seront dissipées, quel motif pourra déterminer ces malheureuses créatures à se soumettre de gaieté de cœur aux tortures de la μογοστόϰος Εἰλείθυια ? N’est-il pas clair que la question des femmes se transformera en une grève des femmes ? La fantaisie d’Aristophane sera devenue une triste réalité.

Ces conséquences monstrueuses sont une nouvelle réfutation du principe socialiste. Ni la femme, ni l’homme ne sont au monde pour leur plaisir ; à l’une comme à l’autre incombe un devoir, une mission civilisatrice. La lutte du progrès (Kulturkampf), comme toutes les guerres, demande, derrière une armée active, des réserves nombreuses et bien dressées. Les femmes ont la double tâche de produire et d’élever ces réserves. « Tandis que le champ de bataille de l’homme est l’armée, l’atelier de la main et de la pensée, la femme combat les combats de la vie dans son lit d’accouchée et dans la nursery, et l’on ne peut pas dire que sa tâche soit la moins pénible des deux : elle y risque sa vie et n’aperçoit que dans un lointain reculé les fruits de son labeur. » (695.)

Si la maternité est le but de la femme, il faut en répandre partout le respect et la glorification, au lieu de chercher à en voiler les moments essentiels et d’en faire l’objet de railleries déplacées. À mesure que les motifs qui suffisaient autrefois pour soutenir le courage des femmes perdent de leur crédit, a : il faut inculquer plus pro-