Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/690

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
684
revue philosophique

dent apologiste[1]. Miceli, né en 1737, mort en 1781, a fondé en Sicile une école, l’école Monréalésienne dont le berceau est le séminaire de Monreale, que, comme élève ou comme professeur, il n’a pas quitté pendant toute sa vie. Son système est condensé et formulé en propositions et démonstrations, à la façon de Spinoza, dans le Specimen scientificum qui n’a pas plus d’une trentaine de pages dont M. Franck nous donne une excellente analyse. M. Miceli débute par l’ontologie, comme Rosmini. Il n’y a d’être véritable que celui qui a en lui-même la raison de son existence. Cet être, qui est Dieu, renferme en lui toutes les réalités et toutes les perfections, l’activité illimitée, infinie, la vie, la liberté, car rien du dehors ne saurait le contraindre. Miceli appelle liberté d’indifférence la liberté ainsi définie ; grâce à cette définition, qui est la même que celle de Spinoza, il peut dire que le monde est l’œuvre de la liberté divine. L’essence divine, dans sa simplicité, admet la distinction de trois personnes ou hypostases, qui sont la toute-puissance, la sagesse et la charité. Il en donne des définitions où l’on voit l’effort, plus ou moins heureux, pour concilier l’unité de substance avec le dogme chrétien de la création et de la liberté divine. En dehors de ces trois modes de l’existence divine, rien n’est qui puisse s’appeler une chose réelle. L’âme n’est qu’une participation de la toute-puissance ou force infinie ; sa liberté n’est que la liberté même de Dieu. Rien ne lui appartient en propre, si ce n’est la conscience. Toute action sans conscience n’est pas une action de l’âme, mais de la force universelle, que Miceli appelle aussi la volonté physique. L’âme, comme la nature, ne subsiste que par une action immanente de Dieu. Assurément c’est là du panthéisme, non pas sans doute celui de Spinoza ou de Hegel, puisque le Dieu de Miceli est la force infinie avec la conscience, l’intelligence et l’amour ; c’est, comme le dit M. di Grovanni, un panthéisme dynamique. Je ne sais quels autres apologistes ont dit que c’était un panthéisme bien entendu ou même un panthéisme catholique.

La doctrine de Miceli, propagée par les cahiers des élèves du séminaire de Monreale, a eu en Sicile un certain nombre de disciples, tous ecclésiastiques, qui ont cherché à compléter la doctrine du maître. Parmi eux, nous nommerons Rosario Castro, qui a pris parti, en 1848, pour l’insurrection de Sicile, et qui a été élu député du Parlement sicilien. Parmi ces philosophes siciliens mêlés aux agitations et aux révolutions de la politique, comment ne pas être ému du sort de Nicolas Gazzili, qui, après avoir publié un essai philosophique à dix-sept ans, fut fusillé à dix-huit comme ayant pris part à une conspiration contre le roi de Naples ?

Laissons de côté le célèbre Ventura, qui appartient à l’Italie et môme à la France autant qu’à la Sicile et qui d’ailleurs, malgré sa vaine restauration du thomisme, a été un orateur, un agitateur, un polémiste

  1. Il Miceli ovvero l’apologia del sistcma, nuovi dialoghi. 1 vol. in-12. Palermo, 1865.