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mécaniques et de celle des causes libres ?… Une telle influence, accordée au passé… sur l’évolution organique actuelle,… pourrait amener des différences profondes entre des organismes exactement pareils à une époque déterminée (à telle ou telle phase de la vie embryonnaire, par exemple), mais provenant d’ancêtres d’espèces différentes. De même, en imposant à chaque être un développement gradué, elle empêcherait sans doute des actes conscients et libres de se produire à la suite de certaines circonstances géométriques ou mécaniques, dans le cas où, par impossible, on supposerait réalisé artificiellement un corps en tout constitué comme le sont ceux des êtres intelligents. »

III. — Enfin M. Bertrand me permettra de relever encore un malentendu, peu important du reste. À la fin de son article, il se demande comment j’ai bien pu dire que le principe directeur, dans le cas où il s’agit d’actes conscients et délibérés, est en état « de s’abstenir ou d’agir à sa guise », alors qu’il faut bien pourtant qu’un parti quelconque soit pris sans retard. Assurément, il y aurait contradiction dans ma phrase si je parlais d’une abstention consistant à ne prendre absolument aucun parti : mais il s’agit d’une abstention simplement relative, qui est elle-même une certaine manière (tout au moins provisoire) de se décider, et qui constitue une des voies laissées ouvertes par les équations du mouvement ; comme lorsqu’un électeur, ayant le choix de voter pour divers candidats, ou de différer son vote, ou enfin de ne pas voter du tout, se détermine pour l’un des deux derniers partis.

Mon éminent contradicteur voudra bien aussi me permettre, en terminant, d’exprimer le regret qu’il n’ait pas profité de l’occasion que lui offrait la critique de mon travail pour faire connaître ses propres idées sur le sujet débattu, sur la manière dont il conçoit que les lois physico-chimiques s’appliquent aux êtres vivants, sur les influences respectives qu’il penserait pouvoir y attribuer, d’une part, aux énergies de la matière brute, d’autre part, au principe propre de la vie. S’il s’était décidé à le faire, ne fût-ce qu’en peu de lignes, il n’aurait sans doute pas qualifié de « miracle » (p. 521) un phénomène qui paraît à tout le monde très-naturel, qui se produit à tous les instants et en un nombre incalculable de points du globe, qui, enfin, tout plein de mystères qu’il soit pour nous, ne se distingue pas essentiellement, sous ce rapport, des phénomènes les plus simples[1]. Peut-être, pressé par les physiologistes, qui ont renoncé

  1. À certains égards même, les phénomènes volontaires, dont la cause véritable et responsable, révélée immédiatement par le sens intime, nous est