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analyses.girard de rialle. Mythologie comparée.

par celle d’un enfant, d’un lièvre ou d’un renne. Des peuples, qui n’ont pas dépassé un niveau de civilisation peu avancé, font même une distinction entre le principe vital et l’âme rationnelle et pensante. En d’autres termes, autant de formes bien distinctes de l’activité humaine, autant d’individus : c’est là sans doute l’origine de ces divisions scolastiques, dont la psychologie n’est pas parvenue encore à se débarrasser. Chez les Dakotas de l’Amérique du Nord, une partie de l’âme retourne au village après la mort, une autre s’élance dans l’air, une troisième va rejoindre les esprits, une dernière reste fidèlement près du corps. M. Girard de Rialle estime, et je ne suis pas éloigné de partager son sentiment, que la plupart des traits par lesquels nous nous représentons la vie future encore aujourd’hui ne sont guère que le legs, tant soit peu révisé, des âges les plus anciens. Toute cette partie de son livre amène indirectement à se poser une question très-curieuse, à savoir si la croyance à « l’immortalité de l’âme » n’a pas été singulièrement plus forte aux époques des cultes fétichistes qu’elle ne l’est devenue avec le progrès des idées philosophiques et religieuses, et si ce n’est pas dans la secrète survivance d’antiques croyances, aujourd’hui reléguées hors du domaine de l’enseignement philosophique ou religieux, qu’elle se trouve avoir ses principaux appuis, au moins pour ce qui touche la manière de voir du grand nombre. M. Girard rend un véritable service aux études philosophiques en attirant l’attention sur une partie généralement négligée du problème de la destinée humaine. Il serait en vérité curieux qu’une croyance, que l’on représente volontiers comme le résultat de la part toujours plus grande faite au côté spirituel de la nature humaine au détriment de l’élément matériel, eût ses attaches historiques dans une conception très-grossière et très-primitive de l’âme.

Le culte fétichique des corps célestes nous rapproche du polythéisme ; tout au moins assistons-nous à des essais de subordination entre les différents degrés des esprits capables d’influer sur nos destinées. Dans l’ancien monde, la lune semble avoir eu plus d’adorateurs que le soleil, au rebours d’une théorie bien connue exposée dans l’Origine de tous les cultes de Dupuis et d’après laquelle toutes les conceptions religieuses de l’antiquité se résoudraient en mythes solaires. La Chine nous offre à son tour le plus haut terme du développement religieux, dans les limites du fétichisme, par l’adoration du grand fétiche céleste auquel est opposé le grand fétiche terrestre. Ce ne sont pas là des divinités présidant au mouvement soit du ciel, soit de la terre : le ciel et la terre sont eux-mêmes animés et sont volontiers opposés, comme le principe mâle et le principe femelle. La plupart des symboles du culte qui représentent les organes de la génération répondent à cet état religieux, par lequel on a voulu, également à tort, expliquer la totalité des faits produits sur le terrain de la religion.

M. Girard de Rialle a cependant senti l’inconvénient qu’il y avait à grouper uniquement sous des chefs artificiels les faits relatifs au féti-