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sique. Il se produit donc dans la métaphysique même une évolution qui élimine certaines conjectures en faveur d’autres mieux appropriées aux nouvelles conditions d’existence, c’est-à-dire au nouvel état de la science humaine. À plus forte raison la même évolution est-elle possible dans le domaine positif de la philosophie.

J’appelle maintenant l’attention sur un problème important. Une fois distinguée de la philosophie positive, la métaphysique elle-même ne contiendrait-elle pas une partie qui peut rentrer de plus en plus dans le domaine positif de la philosophie et échapper ainsi à l’incertitude des conjectures ? — Cette partie existe, selon nous. Elle consiste dans les idées métaphysiques elles-mêmes, considérées comme pures idées et abstraction farte de l’actuelle réalité de leurs objets. Elles ne sont alors, en effet, que les formes suprêmes de la conscience, formes observables et déterminables : idée du moi, idée de la liberté, idées du devoir et du droit, idée de la beauté, idée de la vérité, idée de l’absolu ; de plus, comme ces idées et leurs dérivés dans l’ordre moral, esthétique, social, politique, expriment les derniers termes de la contemplation, de l’action et de la jouissance, nous pouvons les appeler des idées directrices de l’intelligence, de la volonté et de la sensibilité, conséquemment des idéaux. Leur ensemble ut leur unité est ce que nous désignons, pour plus de commodité, par cette expression : l’idéal. De deux choses l’une : si l’idéal ainsi entendu est la manifestation d’une réalité métaphysique et objective, fond absolu de l’être, nous pourrons dire alors qu’il est comme la face lumineuse et toujours tournée vers nous de cet absolu inaccessible ; ainsi certains astres, en vertu de leur situation déterminée et constante par rapport à nous, nous présentent toujours le même hémisphère, éclairant et éclairé, tandis que l’autre se dérobe toujours à nos moyens d’observation. Si au contraire l’idéal n’existe pas objectivement comme réalité métaphysique, il n’en demeure pas moins certain qu’il existe subjectivement comme idée directrice. À ce titre, nous avons toujours le droit de dire : premièrement, l’idéal est lui aussi un des faits de la conscience ; secondement, il exerce une action réelle sur notre pensée, notre désir et notre volonté ; il est donc une des forces de la conscience ; troisièmement, si nous démontrons que cette action est bienfaisante et nécessaire pour l’individu, pour l’humanité, pour le monde, il en résultera que l’idéal est une des lois directrices de la conscience, ou plutôt qu’il en est la loi suprême. Nous aurons ainsi une théorie de l’idéal immanent et non transcendant, laquelle sera susceptible de vérification positive, puisque nous ne sortirons ni du domaine de la conscience ni du domaine de la nature.