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sirent Kant et devinrent sa préoccupation, sinon exclusive, du moins prédominante, lorsqu’il rentra dans l’Université en 1755. Mais, comme nous l’avons dit, en même temps qu’il cédait à l’atIrait propre des problèmes suscités par la doctrine de Newton, et à la satisfaction bien légitime de recommander son nom par des œuvres originales, il n’abandonnait pas la cause de la métaphysique, à laquelle le rattachaient les premières et secrètes préférences de son génie.

La physique de Newton, qu’il venait de démontrer victorieusement par des applications inattendues, avait été rejetée jusqu’ici et était combattue encore au nom de la métaphysique par les disciples attardés de Descartes et de Leibniz. Il fallait montrer que l’analyse philosophique n’est pas moins contraire que l’expérience aux principes de l’ancionne physique. Et c’est ainsi que Kant se trouvait ramené à la métaphysique par la nécessité de forcer dans leur dernier retranchement les adversaires de la physique nouvelle. Les thèses d’admission de 1755 lui en fournissent l’occasion.

Kant veut concilier sur la définition de la matière les vues de Newton avec celles des Leibniziens, ou, pour parler son langage, la géométrie et la métaphysique. Cela sans doute paraît, au premier abord, aussi difficile que d’accoupler des chevaux et des gryphons. « La métaphysique, en effet, nie résolument que l’espace soit divisible à l’infini, tandis que la géométrie l’affirme avec la certitude qui lui est propre. Celle-ci réclame pour la liberté des mouvements l’espace vide, que celle-là tourne en ridicule. L’attraction, c’est-à-dire la gravitation universelle, presque inexplicable par des causes mécaniques, est rapportée par la géométrie aux forces que les corps manifestent à distance et dans l’état de repos : la métaphysique considère ces forces comme des jeux stériles de l’imagination[1]. »

Dès le début de la Monadologia physica, l’une des thèses d’admission, Kant se déclare disciple de Newton et des métaphysiciens tout à la fois. Il ne faut rien entreprendre dans l’expplication de la nature sans le suffrage de l’expérience et l’interprétation de la géométrie. Mais, lorsqu’on veut remonter aux causes premières des phénomènes, « sola hic adminiculo est et lumen accendit metaphysica. » Les disciples de Newton soutiennent que l’espace est divisible à finfini : il en faut conclure seulement, et Leibniz ne dit pas autre chose, que l’espace ne doit pas être confondu avec le corps ; et que les monades physiques de ce philosophe sont comme des points mathématiques en regard de l’étendue.

  1. Kant’s Werke, t. I, p. 459.