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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

-huit livres qu’il écrit son Apologie du très-saint concile de Trente[1]. Ces titres sont tout ce qui nous reste de ces deux ouvrages de circonstance. Nous ignorons à qui il les dédia et ce qu’ils lui rapportèrent ; quelque somme d’argent probablement, mais à coup sûr toute autre chose que ce qu’il en attendait. Autant qu’on peut connaître ses intentions par sa conduite, il semble qu’il s’était flatté d’enlever de haute lutte quelque prébende ou du moins quelque pension sur un bénéfice. Rêve d’ambitieux, mais d’ambitieux encore bien novice. Il est bien invraisemblable que le nonce ait fait des services rendus par Vanini à la cause catholique le même cas que Vanini lui-même ; mais, à le supposer même plein de reconnaissance et porté de la meilleure volonté, son crédit eût à peine suffi à emporter du premier coup une grâce si enviée, si convoitée, si difficile à obtenir et souvent à conserver. Une prébende ! un bénéfice ! mais c’était l’hoc in votis de tout ce qui tenait une plume ! Et l’événement autant que l’exemple de ceux que l’on rentait ainsi durent avertir Vanini qu’on gagnait encore du temps, à prendre, pour parvenir, un chemin plus long que celui qu’il avait suivi.

Les mœurs littéraires étaient alors tout l’opposé de ce qu’elles sont aujourd’hui. Les gens de lettres avaient d’eux-mêmes, grâce à l’Italie de la Renaissance et aux derniers Valois, une estime infinie et pour ainsi dire épique. Ils se considéraient, en toute naïveté, comme une race divine, que l’État dont ils étaient ou se croyaient l’honneur, et les grands dont ils faisaient la renommée, ne pouvaient se dispenser d’entretenir. Par principe donc, ils dédaignaient de se suffire à eux-mêmes. Ils mettaient leur dignité à ne pas ravaler leur esprit à des besognes vulgaires et à ne pas le détourner de sa vraie destinée. Systématiquement parasites, ils condamnaient les principaux courtisans et les riches, quels qu’ils pussent être, à une sorte de mécénat à rebours, où le protecteur avait infiniment moins de goût pour l’écrivain que l’écrivain pour le protecteur. La plupart en effet de ceux auxquels ils offraient leurs œuvres étaient des grands seigneurs avides, ou ambitieux, ou ignorants, ou adonnés aux plaisirs, qui avaient de bien autres soucis que de faire vivre des hommes de lettres. Ces Mécènes malgré eux finissaient par s’exécuter pourtant, car cela était devenu pour eux en quelque sorte une obligation d’état. Mais, comme ils étaient assez peu sensibles au mérite littéraire, ils voulaient qu’on commençât par acheter leurs libéralités et leurs bons offices au prix dont ils payaient eux-mêmes les bonnes grâces des ministres et la faveur du roi. Force était de s’astreindre

  1. Amphith., avis au lecteur, p. 5, 70.