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paulhan. — l’erreur et la sélection.

l’on pourrait assimiler cette force à la précédente. C’est un fait d’expérience fréquent que l’on comprend mieux ce que l’on étudie attentivement.

Persistance. — La persistance facilite aussi l’intelligence. Ce n’est parfois qu’en réfléchissant longtemps à un problème qu’on peut arriver à le résoudre. Elle peut occasionner des phénomènes morbides. M. Luys cite quelques fragments d’une lettre d’un jeune homme qui, occupé pendant plusieurs jours de suite à faire des calculs d’intérêt composé, en garda une grande tension d’esprit, et dut continuer malgré lui son travail intellectuel. « Ayant besoin, dit-il, du plus grand calme et du repos auquel je ne pouvais atteindre (il allait essayer de dormir), je me mis, sans la moindre volonté de ma part, à compter, à refaire exactement les mêmes problèmes qu’au bureau[1]. »

La persistance finit, comme pour la sensibilité, par déterminer l’impuissance du cerveau à continuer son travail. On trouve dans le domaine intellectuel des faits analogues à l’illusion des couleurs complémentaires.

Ce que nous avons pu voir dans le domaine de la sensation se vérifie donc aussi dans le domaine de l’intelligence ; les ressemblances sont plus facilement perçues que les différences ; l’habitude, la force des impressions, l’attention, la persistance, et tous les facteurs dont nous avons déjà constaté l’action, interviennent ici encore pour déterminer la sélection, qui résulte de la concurrence. Il est inutile d’insister sur les lois générales ; nous avons eu l’occasion de les signaler déjà, et nous pouvons passer à l’étude de la lutte pour la détermination des actes.


IV


Nos actes peuvent être déterminés par des causes bien variées. En réalité, nous voulons ce que nous faisons bien plus rarement qu’on ne croit, et c’est une illusion du genre de celles dont je viens de parler que de croire déterminées par notre volonté des actions accomplies machinalement ou sans qu’une volition consciente se soit produite. Les cas où la volonté intervient sont plus faciles à observer, parce qu’ils offrent une suite de phénomènes conscients, moins précipitée et plus longue ; il est donc naturel que l’on s’imagine, par l’effet de l’habitude, voir la volonté où elle n’est plus, et quelquefois

  1. Luys, Le cerveau et ses fonctions, p. 145.