dans ce sens que j’ai donné la définition suivante, que je demande la permission de reproduire comme résumant sous une forme plus simple les développements qui précèdent : « L’institution religieuse idéale me semblerait plutôt pour ma part (plutôt que la multiplication de petites Églises détachées de l’État et sectaires) celle d’une grande Église nationale où, sur la base d’un respect profond pour la tradition paternelle, s’élaborerait constamment, par le commun accord de la partie la plus intelligente et la plus instruite du pays, le système propre à satisfaire les besoins de tous[1] » Donc, respect des usages, ce qui est en quelque sorte une question de bon ordre, mais droit de révision à l’égard du dogme, l’élaboration de celui-ci confiée aux hommes les plus intelligents, et cela indéfiniment. Il n’est pas besoin d’ajouter que, dans cette hypothèse, qui est trop loin des faits actuels pour qu’on y voie l’expression d’un regret, moins encore d’un vœu, il est fait complètement abstraction de l’organisation existante.
La définition que nous avons donnée de la théologie dogmatique va
modifier du tout au tout sa position à l’égard de la philosophie. « Les
rapports de ces deux sciences, dit Baur, sont des plus intimes. Les problèmes sont souvent les mêmes pour les deux, et, particulièrement de nos
jours, les changements les plus importants que les dogmes ont subis
sont venus de la philosophie. Sans une culture philosophique étendue,
il ne saurait être question de pénétrer bien profondément dans l’intelligence de l’histoire des dogmes. En outre, l’histoire de la philosophie ne
saurait être considérée comme une simple science auxiliaire de celle
des dogmes. Leur rapport est tellement intime qu’elles doivent être regardées comme les deux portions d’un même tout. L’objet est le même,
la recherche du vrai, de l’absolu ; la seule différence, c’est qu’en théologie l’étude se meut sous la forme du dogme chrétien. » On entrevoit
la pensée de l’auteur plutôt qu’on ne la saisit avec certitude ; voici
cependant quelques mots qui sembleront peut-être plus précis : « La
religion et la philosophie sont identiques dans l’esprit, dont elles sont
deux phénomènes de forme essentiellement différent. Ce qui caractérise la religion, c’est que son contenu se présente à l’esprit comme lui
venant d’une manière absolue par la révélation extérieure. Et, bien
que celle-ci ne renferme en elle rien qui contredise la raison, elle a son
origine en dehors de la raison ; aussi n’existe-t-elle que sous forme de
représentation, comme quelque chose de donné d’une manière immédiate, qui ne s’est pas encore réconcilié avec la conscience intellectuelle. Dans la philosophie, au contraire, l’esprit contemple la vérité
comme lui étant immanente, comme le fruit de sa propre activité. »
Voilà qui est encore loin d’être parfaitement lucide. Qu’importe en effet
que la religion se présente à l’esprit comme « lui venant d’une manière
absolue, par la révélation extérieure, » si elle ne renferme en elle
« rien qui contredise la raison » ? Ces derniers mots me semblent signi-
- ↑ Un revirement de l’opinion libérale en France. Brochure, 1876.