Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
209
analyses. — windelband. Geschichte der Philosophie.

garde de perdre du même coup, ou de compromettre, celles qu’on a[1]. Autant que j’en puis juger, M. Windelband a réussi à supprimer tout appareil scientifique sans que son livre y perdit en solidité. Il expose avec verve et clarté, sans préjudice de l’exactitude : il est à la fois abondant et serré, précis sans être sec, complet sans s’embarrasser dans les détails. Son ouvrage, bien traduit, serait chez nous très apprécié. Toutefois les lecteurs, de plus en plus nombreux, qui en France, se servent des travaux allemands, ont pris goût aux citations aux renvois, aux renseignements bibliographiques, toutes choses qui ont leurs très grands avantages ; et quelques-uns trouveront peut-être que M. Windelband a un peu dépassé le but en voulant trop nous les épargner.

Une longue introduction, de plus de cinquante pages très substantielles, nous fait assister à la « dissolution intérieure de la scolastique » et nous retrace le tableau général de la Renaissance : restauration de la philosophie antique, — réforme religieuse, — mystique allemande, — nouvelle philosophie du droit, — commencements de la science de la nature, — inventions et découvertes.

« L’histoire de la philosophie moderne se divise en trois parties : la philosophie avant Kant, la philosophie kantienne, la philosophie après Kant. » Si l’on s’étonne d’une si grande part faite à Kant, l’auteur répond : « Le nom de Kant divise naturellement l’histoire de la pensée moderne en deux périodes, dont l’une aboutit à lui et l’autre part de lui. Dans l’esprit de ce grand philosophe, le plus grand des temps modernes, s’est concentré tout ce qu’il y avait de fondamental dans les doctrines de ses prédécesseurs ; et, d’autre part, il a exercé sur ses successeurs, il exerce encore sur le temps présent, une influence si considérable, qu’il semble nécessaire d’exposer l’histoire de sa pensée et l’enchaînement de son système avec infiniment plus de détails que pour n’importe quel autre penseur, car tous ou le préparent, ou procèdent de lui. » (P. 59.)

La 1re  partie occupe tout le volume que nous avons sous les yeux. Elle comprend sept chapitres et embrasse toute l’histoire de la spéculation philosophique en Italie, en Allemagne, en Angleterre et en France, depuis le milieu du xvie siècle jusqu’à la fin du xviiie, depuis Bernardine Telesio jusqu’à Herder inclusivement. M. Windelband attache une importance particulière à l’ordre qu’il a choisi, et cet ordre, en effet, nous semble heureux. « Les systèmes philosophiques, dit-il fort justement, ne croissent pas avec une nécessité logique, mais avec une nécessité psychologique, bien qu’ils prétendent (après coup) à une valeur

  1. C’est ainsi que nous commençons à comprendre, en matière d’enseignement, la nécessité de ne faire à l’organisation des universités allemandes que des emprunts discrets, compatibles avec notre génie national. Nous nous sommes aperçus, par exemple, que nos voisins se plaignaient de leur extrême décentralisation universitaire et y cherchaient remède, au moment même où nous allions la prendre pour modèle dans nos réformes.