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sible, on ne peut s’en rapprocher que par des détours. Comment résoudre, par exemple, les problèmes relatifs à la nature absolue de notre moi, de notre esprit, de notre activité constitutive ? L’absolu de notre existence propre échappe aux prises même de notre conscience propre : les spiritualistes nous parlent bien d’un moi pur, d’une pensée pure, d’une conscience pure ; mais, à vrai dire, ce que nous apercevons en nous-mêmes n’est jamais pur et en dehors de toute relation. Par exemple, notre pensée se saisit toujours en relation avec quelque objet ; de même, nous n’apercevons point en nous une volonté qui ne serait pas en relation avec un objet voulu, qui serait volonté pure sans être volonté de rien, ni une liberté pure qui ne serait pas engagée dans un déterminisme. La métaphysique ne peut donc saisir la réalité absolue de notre être. Est-elle pour cela réduite à une entière impuissance ? Non ; si les relations dernières des choses lui échappent, elle peut du moins déterminer, parmi les relations intermédiaires que saisit la conscience, quelles sont les plus fondamentales et les plus essentielles, celles qui se retrouvent dans toutes les autres, celles qui, par conséquent, sont les symboles ou les traductions les plus immédiates de la réalité absolue, les équivalents psychiques les plus voisins de l’être métaphysique. Ici encore, empruntons un exemple aux sciences positives. Le physicien ignore quel est le principe commun auquel se réduisent en dernière analyse et la chaleur, et la lumière, et l’électricité, et le magnétisme, et l’attraction, et le mouvement. Est-ce une raison pour qu’il place sur le même rang toutes ces espèces de phénomènes, qui ne sont que des espèces de relations ? Nullement : il s’efforce d’établir entre elles une hiérarchie, afin d’obtenir une approximation croissante du réel, et il y parvient. Si par exemple on réussit à réduire les relations de chaleur ou celles de lumière à des relations mesurables de mouvement, et ainsi pour les autres espèces de phénomènes, on aura obtenu ce qu’on appelle l’équivalent mécanique de la chaleur, de la lumière, etc. Mais le mouvement lui-même ne sera pas encore la réalité absolue : il n’en sera lui aussi que l’équivalent ; il nous en fournira la manifestation la plus immédiate que nous connaissions ; jusqu’à nouvel ordre, il sera pour nous l’expression de l’absolu dans l’ordre physique. Aussi le mouvement fait-il le fond du naturalisme. L’idée, au contraire, avec son action et sa puissance efficace, fait le fond de l’idéalisme. Enfin la puissance motrice de l’idée est, comme nous l’avons vu, le moyen terme entre les deux. Cette subordination des relations les plus secondaires aux relations principales doit se retrouver dans toutes les questions psychologiques et même métaphysiques. On pourrait appeler ce procédé méthode des équivalents