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hartmann. — la philosophie religieuse

Unie au rationalisme, la mystique ne présente plus de dangers, parce qu’elle est sûre de ne pas s’égarer dans les rêves fantastiques et de ne pas retomber dans un dogmatisme servile ; elle développe tous ses fruits, parce qu’elle maintient les idées religieuses et que, après les avoir dépouillées par la critique de leur forme sensible inadéquate, elle leur donne une forme spéculative rationnelle.

La philosophie religieuse spéculative qui naît ainsi a raison à la fois contre le supra-naturalisme dogmatique, contre le rationalisme et contre le mysticisme, parce qu’elle réunit en elle les éléments de ces trois points de vue ayant quelque valeur et parce qu’elle évite en même temps de tomber dans leurs défauts. Sa mission doit être de conserver et de développer le fond précieux de la vie religieuse, et cela sous une forme complètement adéquate, exempte des contradictions de tout revêtement représentatif. Sa théorie ne doit pas rendre superflue la pratique de la vie religieuse, de même que la physiologie ne dispense pas de la digestion ; sa prétention n’est pas non plus d’être indispensable à tout homme pour la pratique de la religion, puisque l’homme sans instruction peut mener une vie profondément religieuse. Elle soutient seulement qu’elle est indispensable aux hommes et aux temps qui sont arrivés à ce degré de science et de réflexion où toute autre base représentative de la vie religieuse paraît insuffisante et destructive de la vie religieuse elle-même. Ces conséquences, à la vérité, n’ont pas toutes été exprimées d’une façon également claire par Pfleiderer, mais elles sont la conclusion nécessaire des prémisses exposées.

La philosophie de la religion cherche à accomplir sa mission spéculative en réunissant les données objectives et subjectives de la vie religieuse, en comblant les lacunes de l’expérience interne par la variété du développement historique de la vie religieuse et en cherchant dans les analogies de notre propre vie intellectuelle l’explication des données expérimentales de l’histoire de la religion. Si le rationalisme se contente de démontrer l’insuffisance des formes dogmatiques des temps passés, la tâche de la philosophie religieuse va jusqu’à reconnaître le contenu religieux positif de ces formes insuffisantes et à saisir les raisons psychologiques et historiques qui ont précisément motivé leur insuffisance.

Ici il faut éviter le défaut contraire à celui où est tombée la critique rationaliste, il faut se garder d’une indulgence qui présente tout sous de belles couleurs, surtout quand elle nous conduit à maintenir des formes dogmatiques inadéquates, malgré leur impropriété, sous le prétexte qu’elles contiennent un certain fonds de vérité. Toutes les formes historiques de la représentation religieuse renfer-