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hartmann. — la philosophie religieuse

panthéistique arienne ou un reflet du panthéisme dans le cœur du théisme qui dépouille ce dernier de toute sa valeur.

Si la trinité était réellement, comme Hegel le prétend, le véritable critérium du caractère chrétien d’une philosophie religieuse, le protestantisme spéculatif serait trouvé aussi peu chrétien que si l’on prenait pour critérium la personnalité de Dieu seule ou combinée avec la liberté et l’immortalité. En réalité, ce sont là des marques auxquelles on reconnaît qu’une doctrine est plus ou moins chrétienne ; mais ce qui lui imprime réellement le caractère chrétien, c’est, comme l’indique le nom de chrétien, sa position à l’égard de la christologie. Des déviations de la tradition relative à la trinité et à la personnalité pourraient bien attirer le reproche de sectaire et d’hérétique ; mais elles n’excluraient pas de la vaste communauté chrétienne, aussi longtemps qu’on se maintient, sous le rapport de la christologie, sur le terrain du christianisme. Mais, avant de traiter de la christologie, nous devons examiner les questions relatives à la création et à sa justification (théodicée), si étroitement unies à la croyance en Dieu. Ces questions remplissent dans Pfleiderer le troisième et le quatrième chapitre ; nous passons sous silence le deuxième chapitre, parce que la croyance aux anges et au diable (de même que la foi aux miracles) est une question purement historique et a été traitée en ce sens par Pfleiderer.

Le rôle d’organisateur du monde que Dieu remplit dans la philosophie grecque ne pouvait pas satisfaire une forte conscience religieuse ; celle-ci sent avec raison le besoin de regarder Dieu comme la cause unique et exclusive du monde. En face de la doctrine d’après laquelle le monde est sorti du chaos, le christianisme soutenait que Dieu n’avait point trouvé les éléments dont il eût pu former le monde et établit le dogme qu’il l’a créé « de rien ». Mais ce dogme, à son tour, ne pouvait pas satisfaire la réflexion, et, s’il continua de se maintenir, c’est parce que toute tentative faite pour comprendre la création comme un acte de Dieu tirant tout de lui-même conduisait directement à des fantaisies mythiques et à des systèmes physiques d’émanation, auxquels ce dogme était certainement supérieur, même au point de vue philosophique. Toujours est-il que dès les premiers temps du christianisme on eut le pressentiment du véritable état des choses ; Irénée, par exemple, remarque que Dieu a tout tiré de lui-même et que sa volonté est la substance de toute chose, ce que Leibnitz a exprimé encore plus nettement dans cette proposition : « Son entendement est la source des essences, et sa volonté est l’origine des existences. »

D’après ce point de vue, le concept de la créature a une significa-