Bassompierre, « le grand soleil de la cour, » Bassompierre lui-même, le serviteur de la reine et l’ami en général de tous les ministres, en avait accepté la dédicace. Bien plus, la Sorbonne en faisait le plus grand cas ; Pierre-Edmond Corradin, gardien des Minimes, et Claude Le Petit, docteur régent, déclaraient au verso du titre qu’ils l’avaient lu avec soin et jusqu’au bout. Ces dialogues philosophiques, disaient-ils, ne leur avaient point paru contraires à la foi catholique, à l’Église romaine ni aux bonnes mœurs ; loin de là, et, ajoutaient ces dignes vieillards, ils sont vraiment si ingénieux qu’ils ont tous les droits possibles à. être imprimés : subtilissimos et dignissimos qui typis demandentur.
À peine les Secrets de la nature furent-ils mis en vente qu’ils eurent un débit de vogue. L’achevé d’imprimer est daté du 1er septembre 1616 ; moins d’un mois après, ils étaient dans toutes les mains[1].
Pauvre frère Corradin ! malheureux Claude Le Petit ! à quelles imaginations bizarres, à quelles ironies impies leurs noms servent de passe-port, encore aujourd’hui ! Ils ont souscrit à ce moyen infaillible d’engendrer des catholiques : placer dans les alcôves des images de piété ; à certain moment, elles rappelleront l’idée du mariage mystique de Jésus-Christ avec l’Église, et cette idée, transmise d’organe en organe, ira créer un nouveau chrétien[2] ! — Ils ont agréé, toujours à même fin, cette autre méthode : accomplir le devoir conjugal avec langueur, uniquement pour satisfaire au précepte de saint Paul : il y a grande chance que l’enfant sera imbécile, excellent chrétien, par conséquent ; n’est-il pas écrit : Heureux les pauvres d’esprit, car le royaume du ciel est à eux[3] ?
Mais une simple analyse ne saurait rendre la malice et le libre-penser des Dialogues que ces doctes vieillards de Sorbonne sont censés approuver : il faut entendre Jules-César lui-même et son compère Alexandre. Déjà, dans leurs précédentes causeries, ils sont tombés d’accord que, n’était la religion, rien ne pourrait les obliger à croire à la fin de la mer et du ciel[4]. Même, s’il n’était chrétien, Jules-César conclurait à l’éternité du monde, plutôt que d’admettre avec quelques pieux rêveurs que la formation des montagnes est un effet du déluge[5]. Mais ces opinions, d’ordre philosophique, n’étaient pas pour faire impression sur le commun des esprits ; aussi les deux amis préfèrent-