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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

Je dirai tout à l’heure ou plutôt je révélerai quel fut ce premier président, car lui et les siens paraissent n’avoir rien négligé pour abolir la mémoire de ses relations avec le signor Pompeïo. Peut-être a-t-il été pour quelque chose avec d’Epinay Saint-Luc dans la suppression des Histoires tragiques de Rosset, où les contemporains pouvaient le reconnaître. Ce n’est pas un reproche que je lui fais : il est naturel qu’il ait cherché à briser les armes dont on se servait pour l’attaquer.

De grandes qualités, une noblesse déjà antique, d’illustres alliances, une fortune non médiocre avaient ouvert de bonne heure à ce futur chef du Parlement le chemin des hauts emplois, mais lui avaient aussi suscité beaucoup d’envieux. Dans le principe, on ne pouvait guère le blâmer de s’être montré sensible au mérite du signor Pompée. Mais, dès que les poursuites du procureur général et l’arrêt de la cour eurent fait de cet inconnu un athée fameux, ses ennemis ne perdirent pas une occasion si propice de lui nuire en semant des doutes sur sa religion. Pour l’associer en quelque sorte au supplice de Vanini, ils se plurent à faire remarquer que, lui juge, il avait admis dans sa famille ce blasphémateur, que d’autres juges, ses pairs, avaient à bon droit condamné à mort. Une relation du temps envoyée de Toulouse à d’Autreville, et reproduite par le continuateur de l’histoire de Mathieu, nous donne une idée de la joie maligne que ces propos, perfidement répandus, entretenaient dans certaines coteries de la société parlementaire. Dénigrant ce qu’elle appelle les complices de Vanini, elle donne à entendre que ce sont des personnes de condition, puis elle ajoute avec une discrétion ironique : « on les connaît à Toulouse par noms et par surnoms[1].

Il ne paraît pas qu’a Toulouse pourtant ces méchants propos aient laissé des traces écrites. Les annales de l’hôtel de ville n’y font pas allusion, mais elles passent d’ailleurs sous silence des faits si importants et qui avaient été si publics que leur réserve donne à penser. Les circonstances mêmes de leur rédaction les rendent suspectes d’omission volontaire, car c’est le chef du consistoire de 1618[2] qui a raconté l’affreuse tragédie du 9 février 1619, bien que, d’après l’usage, il eut dû se borner à écrire l’histoire de son année d’exercice. En faisant ce récit, il avait donc usurpé le droit de son successeur. Celui-ci se plaint de cet empiétement, non sans dépit et non sans dire « qu’il auroit pu rapporter plusieurs particularitez desquelz il est

  1. D’Autreville, Inventaire général des affaires de France depuis la mort de Henry le Grand jusqu’au premier jour de l’an 1620.
  2. C’était un avocat du nom de Nicolas de Saint-Pierre.