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paulhan. — l’erreur et la sélection

M. Maudsley, de son côté, paraît soutenir une thèse contraire. « En fait, il n’est pas exact, dit-il, qu’un fou raisonne et agisse logiquement d’après les fausses prémisses de son délire… Ce qui rend si difficile de soigner les fous, ce qui constitue le grand souci des fonctionnaires d’un asile, c’est que, tout en sachant ce qu’un fou pense, on ne peut pas prévoir ce qu’il va faire ; on peut connaître parfaitement son délire, on ne peut pas suivre l’opération de ce délire dans son esprit et prévoir à quels actes il le portera ; il y a chez le fou incohérence dans les idées, et il y a aussi incohérence entre les idées et les actes. Le mot si connu de Locke qu’un fou raisonne correctement sur des prémisses fausses est certes loin d’être vrai dans tous les cas. Souvent le fou raisonne follement d’après de folles prémisses, et il fait ce qu’il ne devrait pas faire si cette idée délirante était la réalité positive ; en un mot, ce qui manque au fou, c’est la santé de l’esprit. »

Il ne m’appartiendrait pas de prendre parti pour l’une ou l’autre de ces thèses s’il y avait entre elles une contradiction réelle, mais il me semble que leur opposition est tout au plus apparente et qu’il est possible de les réconcilier dans une loi générale qui les comprenne toutes deux.

Si l’on prend le mot logique dans le sens étroit,.si l’on applique ce mot seulement au raisonnement irréprochable qui, de prémisses vraies, arrive à une conclusion vraie, et de prémisses quelconques à une conclusion dont la validité dépend de la valeur des prémisses, il parait bien évident que souvent les fous manquent de logique. Ils ne sont pas seuls dans ce cas. Qui, parmi les gens les plus sains d’esprit, n’a pas commis quelques péchés contre la logique ?

Mais ce n’est pas seulement à ce point de vue subjectif qu’on peut envisager la logique. Un raisonnement bien fait, partant de prémisses justes, doit arriver à des conclusions justes. Pour que cela arrive, il faut que la logique existe non-seulement dans l’esprit de celui qui raisonne, mais aussi dans la nature, il faut qu’il y ait accord entre l’esprit et la nature, il faut que la logique soit à la fois subjective et objective. Que la logique n’ait malgré cela qu’une valeur relative, quelle ne soit applicable qu’aux données de la conscience, cela se peut, et nous n’avons pas le droit de croire le contraire ; mais, dans ce monde relatif que les sens et la conscience nous font connaître, la logique règne sur tous les phénomènes. Les lois de la nature et de l’esprit sont d’accord avec la logique subjective, car la logique, produit progressif de l’expérience, se conforme aux lois de la nature et de l’esprit. Cette logique extérieure, que tous nos raisonnements supposent, que l’expérience nous montre,