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qui pourraient rendre le libre arbitre préférable (réflexion, examen, etc.) peuvent être aussi déterminés. Dans les deux cas, si je me prononce après un examen approfondi, j’ai sans doute plus de chances d’arriver à la solution exacte. Si je me prononce à la légère dans les deux cas, il peut facilement arriver que je me trompe. Mais si j’examine sérieusement le problème, que je sois déterminé ou non à agir ainsi, il y a des chances égales (toutes choses égales d’ailleurs) pour que j’arrive à la vérité. Pour que le libre arbitre fût plus favorable à la recherche, il faudrait que l’examen eût plus de chances de se produire dans l’hypothèse de la liberté que dans l’hypothèse contraire. C’est là un problème insoluble, car les actes libres échapperaient au calcul des probabilités. Si l’on ne confond pas la liberté psychologique avec l’indéterminisme, ce qui se fait trop fréquemment, et le déterminisme avec l’emportement aveugle et l’irréflexion, il semble bien qu’il n’y a pas lieu de se prononcer plutôt en faveur de l’indéterminisme.

La croyance, d’ailleurs, une fois qu’elle existe, est toujours déterminée. Elle devient nécessaire quand la volonté s’est prononcée, après examen ; dès lors, elle a les mêmes propriétés que les affirmations nécessaires dans l’hypothèse déterministe. La croyance est indéterminée tant qu’elle n’existe pas encore ; mais, une fois qu’elle existe, elle est nécessaire, puisqu’elle ne peut plus être autrement qu’elle n’est. Or, tant que la croyance n’existe pas, elle ne peut évidemment être ni vraie ni fausse ; ce n’est que quand elle existe, qu’elle peut être exacte ou erronée. Qu’elle ait été oui ou non nécessaire avant son apparition, peu importe, puisque la nécessité commence avec la possibilité de l’erreur actuelle. L’erreur reste simplement possible tant que le jugement n’est pas prononcé ; mais une fois ce jugement prononcé, si l’on se trompe, l’erreur est nécessaire. Quant à la possibilité active de l’éviter avant qu’elle se produise, elle n’existe pas toujours à proprement parler, à moins que l’on ne reste toujours sans se prononcer. On n’a pas à choisir entre l’erreur ou la vérité ; on a à choisir entre une opinion et une autre. Or il faut choisir dans le système de la liberté sans savoir où la vérité se trouve, parce que, si on le savait avant de l’accepter librement, la croyance serait déterminée, puisqu’elle aurait précédé le jugement libre qui par hypothèse doit la faire accepter. Il faut donc se déterminer avant de savoir, c’est-à-dire accepter une croyance avant de connaître qu’elle est vraie, c’est-à-dire que l’hypothèse de l’indéterminisme ne nous place pas dans une meilleure position que la thèse contraire.

Dans l’hypothèse du libre arbitre, dira-t-on, c’est l’homme qui est