Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/347

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
341
delbœuf. — le sommeil et les rêves

y est toujours claire, limpide et exprimée dans un style simple, facile et naturel.

Le rêve est mobile et changeant. Rien de plus commun que d’y voir un chat se transformant en fille, un arbre en église. Pourtant, — je tiens à le dire dès maintenant — j’ai des scrupules au sujet de ces prétendus changements. Je me demande si ce sont là de véritables métamorphoses. Quand vous racontez ces sortes de rêves, vous ne dites jamais que le chat se changea en jeune fille, l’arbre en église, vous vous exprimez autrement, par exemple : Je jouais avec un chat, mais un moment après, ce n’était plus un chat, c’était une jeune fille. Ou bien : j’étais d’abord sous un arbre, mais sans que je sache comment, je me trouvai au milieu d’une église. Or, dans mon opinion, vous avez d’abord rêvé d’un chat, puis d’une jeune fille, et c’est votre esprit qui, soit pendant le sommeil, soit le plus souvent au réveil, pour s’expliquer à lui-même la continuité de certaines autres parties du rêve, suppose une transformation que vous n’avez pas constatée expressément dans votre rêve. En fait, il y aurait simple substitution d’une image à une autre, sans changement interne et progressif. Ces quelques mots suffisent pour le moment, et je continue.

Le rêve est plein de vivacité et d’exagération. D’où cela peut-il provenir, sinon d’un changement dans la circulation du sang, qui exalte l’irritabilité du système nerveux central ? Encore une hypothèse en lieu et place d’une explication. L’auteur ajoute cependant que les sentiments éprouvés dans le sommeil n’ont jamais l’intensité de ceux qui nous agitent pendant la veille. On peut mourir de joie ou de peur ; mais il n’y a pas d’exemple de songes qui aient donné la mort[1]. Je crois que cette restriction s’appliquerait exactement aux images elles-mêmes du rêve dont, d’après moi, la vivacité est toute relative.

Le rêve se déroule en dehors de toute intervention de la volonté. Cette proposition vraie, en thèse générale, est peut-être trop absolue. Je rêvais un matin d’un de mes amis, marié depuis longtemps mais seulement par devant l’autorité civile. Je ne sais pour quel motif, dérogeant à ses principes, il crut devoir enfin — ceci est mon rêve — faire bénir son union par le prêtre. À cette occasion il devait y avoir un cortège. Cette nouvelle avait mis en l’air toute la commune. Curieux autant que les autres, je me rends à l’église ; je tenais surtout à voir la mine du mari. Je perce la foule et parviens à me

  1. Cependant j’ai entendu dire qu’une jeune personne qu’on a connue dans ma famille, fit une nuit un songe si épouvantable que sa chevelure de noire est devenue brusquement tout à fait blanche.