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delbœuf. — le sommeil et les rêves

subsiste encore au réveil. Enfin les idées ont, dans le rêve, une manière de s’enchaîner autre que dans la veille. Dans l’hallucination au contraire, mon attention baisse dès le début : je ne puis pas facilement fixer le moment de l’entrée en scène des images trompeuses ; néanmoins je reste orienté ; et, quand elle a cessé, je sais que j’ai vu ces images, mais aussi que je les ai vues du lieu où je suis. En outre, on ne s’y observe pas soi-même, on ne prend aucune part au jeu des acteurs, on n’éprouve ni joie, ni crainte, ni colère ; on se tient dans une absolue indifférence. Enfin l’on ne pense pas, l’on ne cherche pas à joindre ses idées, on est comme une machine voyante.

Les images fictives sont des réminiscences ; mais le souvenir ne suffit pas à expliquer l’illusion, car on ne croit à la réalité que si les extrémités des nerfs sont intéressées. Par exemple, si je regarde le soleil, je le verrai encore quelques instants après que j’aurai fermé les yeux ; et je le verrai en dehors de moi tant que cette image persiste ; mais dès qu’elle se sera effacée, si je me souviens et de l’image réelle et de l’image consécutive, elles ne sont plus ni l’une ni l’autre dans l’extérieur. Dix ou vingt ans après avoir perdu la vue, on rêve encore de formes et de couleurs ; mais, peu à peu, les idées relatives à l’ouïe et au toucher l’emportent, jusqu’à ce que, à la longue, les rêves de la vue cessent de se produire. Donc, sans les nerfs périphériques et sans leurs fonctions, l’illusion n’est pas possible.

Suivant l’hypothèse de Lazarus et de Hager, quand des images naissent dans le cerveau, les nerfs périphériques, s’ils sont dans un état approprié, participent à l’excitation. C’est à cette participation que se rattache le rêve. Même dans les souvenirs normaux, on peut toujours constater un peu d’illusion, parce que l’excitation interne se propage jusqu’aux nerfs périphériques. Ici, M. Stricker reprend sa comparaison du bassin et des pipes. Il n’y a souvenir que si les ondes prennent naissance dans le bassin. Si les tuyaux en sont ébranlés, le souvenir devient plastique ; mais, si la tête de pipe reçoit une onde, l’illusion se produit ; c’est comme si un caillou y avait été jeté.

Occupons-nous un instant de l’idée du mouvement. Nous ignorons comment le muscle nous donne de ses nouvelles ; mais l’existence d’un sens musculaire n’est pas douteuse. La question de savoir comment naît en nous la représentation du mouvement est difficile et n’a pas encore reçu de solution satisfaisante. Il est possible que cette représentation résulte simplement des indications que nous recevons par les nerfs sensibles de la peau, des ligaments, des articulations et des os, et en outre par la vue et l’audition du mouvement. Quoi