Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
30
revue philosophique

But. — L’éclectisme se propose un choix, comme son nom l’indique ; l’autre méthode se propose une synthèse ; elle n’est donc ni un syncrétisme confus et subjectif, ni un éclectisme plus ou moins arbitraire et subjectif, mais un synthétisme objectif, méthodique et rationnel.

Procédés. — Ceux de l’éclectisme se sont résumés chez son fondateur dans une critique demi philosophique et demi oratoire des divers systèmes, aidée d’une psychologie encore trop littéraire. Les procédés scientifiques qui tendent à déterminer les parties indépendantes ou communes des doctrines, leurs divergences, leurs convergences les moyens termes à intercaler, etc., peuvent être contestés ; mais à coup sûr ils ne sont pas ceux de l’éclectisme.

Résultat théorique. — L’éclectisme aboutit à une juxtaposition et à une classification artificielle des doctrines, où tout est situé sur le même plan, où les systèmes sont rangés non d’après leurs principes et leurs conclusions, mais d’après les différents « moyens de connaître » dont ils dérivent ; or cette différence est évidemment subjective, et la division, l’opposition même des quatre systèmes qui restent en présence, demeure insoluble à ce point de vue subjectif. Ce n’est pas à dire que l’éclectisme n’ait point eu son utilité : les classifications artificielles et subjectives ont bien aidé, dans les sciences, à trouver les classifications naturelles et objectives ; mais enfin c’est à celles-ci qu’il faut aboutir. De même en philosophie. Il s’agit de trouver la vraie corrélation des idées, comme on a découvert celle des organes, comme Laurent de Jussieu a découvert la subordination des caractères, Geoffroy Saint-Hilaire l’unité de composition, Lamark, de Blainville et Darwin la filiation des espèces. Une véritable conciliation des doctrines serait non un mélange des idées, mais une vivante organisation des idées : tel est du moins l’idéal, dont nous sommes loin encore.

Résultat pratique. — L’éclectisme n’arrive dans l’appUcation qu’à un compromis entre les doctrines ; une conciliation digne de ce nom serait une unité des doctrines. Il ne suffit pas qu’on se fasse au

    nement et la conciliation des vérités… ? Ce n’est pas dans le passé qu’il faut chercher la philosophie ; c’est en soi, dans la réalité actuelle et vivante. Ainsi donc, la vraie méthode, c’est de mettre d’abord l’ordre et l’unité au dedans avant de les mettre au dehors, ou plutôt les deux mouvements sont inséparables. « Entrer profondément dans sa propre pensée, c’est entrer profondément dans la pensée des autres. » Mais, d’autre part aussi, n’est-ce pas le plus souvent en entrant profondément dans la pensée des autres qu’on peut entrer plus profondément dans sa pensée propre ? Au fond, comme le dit M. Fouillée, la vraie méthode consiste à reconnaître par diverses voies l’harmonie des pensées diverses, de la sienne et de celle des autres dans la vérité éternelle. » (Emile Boirac, ibid., p. 514.)